La sélection
in vitro est une discipline relativement récente utilisée notamment par les biotechnologies. L’un des intérêts de cette méthode est qu’elle explore des populations de séquences d’ADN ou d’ARN (banques) bien plus riches que ce que n’offre la nature pour, par exemple, créer de nouveaux médicaments ou des sondes d’imagerie. Les banques d’oligonucléotides sont construites selon une approche combinatoire1. Elles peuvent contenir jusqu’à 1015 molécules qui diffèrent les unes des autres seulement sur une partie de leur séquence. Ainsi constituée, une banque est soumise à une sélection : on cherche à en isoler les oligonucléotides qui ont la capacité d’interagir avec une protéine d’intérêt ou de catalyser une réaction chimique. Ceux qui passent avec succès cette sélection sont appelés des aptamères. Le processus est itératif : à chaque cycle de sélection, on enrichit un peu plus la population en séquences adaptées à la sélection exercée. Il s’avère que ce processus introduit aléatoirement au fur et à mesure des mutations dans les oligonucléotides2. A priori selon les règles de l’évolution décrites par Darwin : les séquences qui contiennent des mutations « bénéfiques » vis-à-vis de la sélection ont plus de chances d’être enrichies. Mais peut-on rendre compte de cette évolution ? Peut-on savoir si l’aptamère isolé à la fin du processus (le plus abondant) était dans la banque d’origine ou s’il est apparu au cours de la sélection ? Et s’il n’y a pas d’autres aptamères qui seraient meilleurs que celui-ci ?
Pour répondre à ces questions, une équipe de MIRCen a utilisé le séquençage à haut débit et la bioinformatique pour identifier les séquences présentes à différents cycles de sélection. Avec le logiciel qu’ils ont développé, PATTERNITY-Seq, ils ont ainsi pu reconstituer le chemin évolutif suivi au cours d’une sélection in vitro. La résolution inégalée de leur méthode leur a permis de mieux comprendre l’effet des pressions de sélection. Surtout, elle permet de voir émerger de nouveaux variants dans les derniers cycles de sélection et donc d’identifier de nouveaux aptamères avec des propriétés nettement améliorées. Cette technique est actuellement utilisée pour découvrir des aptamères pouvant reconnaitre spécifiquement des biomarqueurs de maladies neurodégénératives.
1 Par exemple, le nombre de combinaisons possibles pour créer une séquence de 10 nucléotides est égal à 410 (pour chaque position, il y a le choix entre 4 nuclétotides A, T, C et G) soit environ 1012 séquences différentes.
2 Le processus nécessite, à chaque tour de sélection, une étape d’amplification des séquences oligonucléotidiques réalisée par des enzymes qui, bien que choisies pour être très fidèles, peuvent introduire des erreurs dans les séquences.