La maladie de Huntington est une affection neurodégénérative rare. En France, elle touche environ 18000 personnes dont 12000 sont encore sans symptômes. Elle se manifeste classiquement entre 30 et 50 ans par des mouvements brusques involontaires (chorée) et des troubles comportementaux et cognitifs. La pathologie est due à la mutation du gène codant la protéine Huntingtine qui provoque une dégénérescence des neurones débutant dans le striatum, zone du cerveau impliquée dans le contrôle des mouvements. Les mécanismes qui conduisent à la neurodégénérescence sont encore largement incompris. Des pistes existent néanmoins, parmi lesquelles des anomalies de la transcription1. Une collaboration2 menée par des chercheurs de MIRCen montre que la réduction de la production d'une enzyme, DCLK3, observée dans les neurones du striatum des malades ou d'organismes modèles de la pathologie pourrait participer à la vulnérabilité des neurones en agissant de manière globale sur la transcription.
La fonction de DCLK3 est inconnue mais, selon des études très récentes, son activité pourrait moduler la survie des cellules. Les travaux dirigés par Emmanuel Brouillet, directeur du Laboratoire des Maladies Neurodégénératives à MIRCen, montrent, dans un modèle murin de la maladie de Huntington, que réduire l'expression de DCLK3 exacerbe la toxicité du mutant de l'huntingtine. Inversement, augmenter la production de DCLK3 protège les neurones de la dégénérescence. Toujours dans un modèle murin de la maladie, rétablir un niveau suffisant d'expression de DCLK3 améliore certains symptômes moteurs. L'étude identifie in vitro sept partenaires potentiels de la protéine3. Etonnamment, ces candidats ont comme caractéristique commune d'être des régulateurs connus ou présumés de la transcription. En déterminant le niveau d'expression des gènes dans les neurones du striatum en fonction de l'activité de DCLK3, les chercheurs montrent que la protéine se comporte comme un régulateur de la transcription et du remodelage de la chromatine4. En accord avec ces données, ils observent une fraction de DCLK3 dans le noyau des cellules, siège de la transcription.
L'ensemble des résultats de cette étude publiée dans Brain conduit à proposer un modèle de type cercle vicieux : les effets du mutant de la huntingtine sur la transcription seraient dans un premier temps limités mais du fait qu'ils affectent DCLK3, ils s'en trouveraient largement amplifiés. Ainsi, moduler l'activité de DCLK3 pourrait, à terme, constituer une nouvelle stratégie thérapeutique pour la maladie de Huntington et possiblement d'autres maladies neurodégénératives.
1 La transcription est le transfert de l'information génétique de l'ADN à l'ARN des cellules, étape préalable à la synthèse des protéines.
2 Avec des équipes de l'Institut des Neurosciences de Grenoble, de l'I2BC (Institute for Integrative Biology of the Cell)
à l'Institut Joliot (CEA Paris-Saclay), de I-STEM à Evry, du LNCA (Laboratory of Adaptative and Cognitive Neurosciences) à Strasbourg et de l'Université de Lausanne.
3 Par criblage double hybride en levure.
4 La chromatine est le composant du noyau constitué principalement des molécules d'ADN de la cellulle et de protéines, notamment toutes celles qui servent à compacter l'ADN. Dans les cellules différentiées comme les neurones, la chromatine est constamment « remodelée » par des mécanismes dits « épigénétiques » pour réguler finement la transcription des gènes.