Notre génome, « comprimé » dans un noyau d’une dizaine de micromètres seulement, comprend environ 30 000 gènes. Son organisation en chromatine – « chapelet » de nucléosomes composés de l’ADN génomique enroulé autour d’un cœur de protéines – permet cette compaction. Mais cette structure en nucléosomes pose de nombreux problèmes à la cellule, car l’ADN est rendu inaccessible à la plupart des enzymes, notamment les ARN polymérases, qui doivent transcrire le génome en ARN, en amont de la synthèse protéique nécessaire à l’expression de l’identité et de la fonction cellulaire.
Interviennent alors les remodeleurs de chromatine. Leur fonction dans l’ouverture de la chromatine, pour rendre accessible l’ADN, était déjà connue, mais les chercheurs ignoraient leur mode opératoire. Dans cette étude, les chercheurs du CEA-Ibitecs[1], dans le cadre d’une collaboration avec le CEA-IG[2], l’Université de l’État de Pennsylvanie (USA) et l’Université de Guangzhou (Chine), démontrent que les remodeleurs se lient sur des nucléosomes bien précis, situés de part et d’autre du début (appelé le promoteur) de chaque gène (voir figure). Les remodeleurs agissent en imposant une dynamique constante au niveau des nucléosomes sur lesquels ils sont liés ; ils « compressent » ou au contraire « détendent » la chaîne des nucléosomes pour respectivement empêcher ou permettre l’accès de l’ADN polymérase à l’ADN. Cette dynamique participe activement à la régulation du génome en permettant le recrutement des enzymes responsables de la transcription.
Analyse du profil de liaison d’un remodeleur de chromatine sur 12 000 gènes distincts. Les chercheurs ont utilisé des outils bio-informatiques permettant de visualiser un grand nombre de gènes, qui ont été ici alignés au niveau de leur promoteur et triés selon la distribution des nucléosomes. La présence du remodeleur apparaît en bleu foncé sur les nucléosomes (visualisés par les stries verticales) présents de part et d’autre du début des gènes. Deux architectures nucléosomales distinctes ont ainsi été révélées (schéma du haut et du bas). Les chercheurs ont démontré que l’activité des remodeleurs dépend de cette architecture nucléosomale : certains sont plus spécifiquement requis pour l’expression des gènes à promoteur denses en nucléosomes (en haut), tandis que d’autres agissent préférentiellement dans le contexte d’une faible densité en nucléosomes (en bas). © Matthieu Gérard / CEA
Au cœur de l’épigénétique
Un neurone et un globule rouge sont issus de cellules souches identiques, donc issus du même patrimoine génétique. Les gènes d’une cellule peuvent donc s’exprimer d’une façon ou d’une autre suivant sa spécialisation, son environnement…c’est l’épigénétique. Moins d’un quart des gènes sont donc exprimés uniformément dans toutes les cellules de l’organisme. Chaque type cellulaire est ainsi confronté à l’énorme challenge de correctement exprimer chacun de ses gènes. De nombreux mécanismes cellulaires sont à l’œuvre pour atteindre ce but, auquel les remodeleurs de chromatine participent en favorisant ou en interdisant l’accessibilité de l’ADN.
[1] Institut de biologie et de technologies de Saclay[2] Institut de génomique