Avec la famille des Megaviridae et celle des Pandoraviridae[1], les chercheurs pensaient avoir répertorié la diversité des
virus géants (seuls virus visibles en microscopie optique du fait d’un diamètre
supérieur à 0,5 micron). Ces virus, qui infectent les amibes du genre
Acanthamoeba, renferment un très grand nombre de gènes par rapport aux
virus courants (les virus comme ceux de la grippe ou du SIDA contiennent une
dizaine de gènes). La taille de leur génome est comparable ou dépasse celle du
génome de nombreuses bactéries.
En étudiant un échantillon de sol gelé en provenance de l'extrême Nord-Est
sibérien (région autonome de Chukotka), les chercheurs ont eu la surprise d’y
découvrir un nouveau virus géant âgé de plus de 30 000 ans (contemporain de
l’extinction de l’homme de Néanderthal), qu’ils ont appelé « Pithovirus
sibericum ». Sa forme en amphore, tel Pandoravirus, a d’abord conduit
les scientifiques à penser qu’il s’agissait d'un nouveau membre, certes très
ancien, de cette famille. Mais l’analyse approfondie de Pithovirus révèle
qu’il n'a quasiment aucun point commun avec les virus géants précédemment
caractérisés. Il inaugure donc une nouvelle famille de virus, portant à trois le
nombre de familles de virus géants connus à ce jour. Cette découverte, venant
rapidement après celle des Pandoravirus, suggère aussi que la diversité
des virus en forme d'amphore est peut-être aussi grande que celle des virus dits
« icosaédriques »[2], qui sont parmi les plus répandus à ce jour. Elle souligne
combien notre connaissance de la biodiversité microscopique reste partielle dès
que l'on explore de nouveaux environnements.
Enfin, cette étude montre que des virus peuvent survivre dans le pergélisol
(couche de sol gelé en permanence des régions arctiques) sur des périodes
quasiment géologiques, c’est-à-dire sur plus de 30 000 ans (correspondant au
Pléistocène supérieur). Cette démonstration a des implications importantes sur
les risques de santé publique liés à l'exploitation des ressources minières et
énergétique des régions circumpolaires que le réchauffement climatique rend de
plus en plus envisageable. La résurgence de virus considérés aujourd’hui comme
éradiqués, tel celui de la variole dont le processus de réplication est
similaire à celui des Pithovirus, n'est désormais plus du domaine de la
science-fiction. La probabilité d’un tel scénario devrait être estimée de
manière réaliste et une étude métagénomique du permafrost est en cours. Elle
bénéficie du soutien de l’infrastructure nationale France-Génomique
(Investissement d'avenir).
- Voir le communiqué de presse sur la découverte de
Pandoravirus du18/07/2013
- Qui a une forme de polyèdre à 20 faces.