Les chercheurs ont utilisé des techniques de traitement de surface issues de la micro-électronique pour obtenir ce résultat : cette méthode apparaît prometteuse pour maîtriser les capacités régénératives des cellules souches et orienter le devenir de leur descendance. Ces résultats sont publiés dans Cell Reports du 17 octobre.
A chaque instant, des centaines de millions de cellules de notre organisme se divisent, donnant naissance à de nouvelles générations de cellules qui remplacent les plus anciennes.
Les cellules souches sont à la base de ce programme de régénération permanent.
Elles entretiennent la diversité des types cellulaires en régulant le degré de symétrie de leurs divisions. Une division symétrique donnera en effet naissance à deux cellules souches identiques, tandis qu’une division asymétrique produira deux cellules différentes. Malgré leur importance fondamentale pour le renouvellement des tissus, les mécanismes qui modulent la symétrie d’une division sont très peu connus.
Les chercheurs ont montré que la
géométrie de l’environnement dans lequel les cellules souches sont confinées joue un rôle déterminant dans cette régulation entre divisions symétrique et asymétrique.
Ils sont parvenus à manipuler la géométrie du microenvironnement de cellules souches
(1). Pour cela, ils ont
utilisé des surfaces microstructurées, obtenues grâce à des techniques de photolithographie
issues de la micro-électronique et commercialisées par la
société Cytoo, une start-up issue des travaux de recherche de l’Institut Curie et du CEA.
Ils les ont ainsi confinées dans des espaces soit symétriques, soit asymétriques. Puis, dans chacune de ces conditions, ils ont étudié la division cellulaire en observant la distribution des brins d’ADN des chromosomes d’une cellule entre ses deux cellules filles. En effet, dans une cellule, chaque chromosome est constitué d’un brin ‘’d’origine’’ et d’un brin ‘’copie’’ (issu de la réplication du brin d’origine). Au cours de la division cellulaire, les deux brins d’ADN sont répliqués, séparés puis répartis entre les deux cellules filles.
Les chercheurs ont mis en évidence que, lorsqu’une cellule souche se divise dans un environnement symétrique, les brins d’origine et les brins copies de l’ADN de ses chromosomes se répartissent de façon aléatoire entre ses deux cellules filles. En revanche, lorsqu’une cellule souche est confinée dans un environnement asymétrique, les brins d’origine ont tendance à s’accumuler dans l’une des cellules filles et les brins copies dans l’autre. Or les brins d’origine contiennent des modifications épigénétiques
(2) qui, en régulant l’expression des gènes, déterminent les fonctions d’une cellule.
Dans un environnement asymétrique, les cellules filles héritant uniquement des brins copies ne recevront donc pas ces informations. Elles seront comme « remises à zéro », tandis que les autres cellules filles conserveront le profil de la cellule mère.
(1) Cette étude a été réalisée sur des cellules souches mésenchymateuses de la moelle osseuse.
(2) Modifications chimiques de l’ADN qui se produisent spontanément ou en réponse à l’environnement : les modifications épigénétiques n’altèrent pas la séquence des bases de l’ADN (ATGC), qui caractérise les gènes, mais elles peuvent réguler l’expression des gènes (expression ou non expression, niveau d’expression plus ou moins important). Ces modifications, tout en ayant un caractère réversible, sont héréditaires.
Cellules souches mésenchymateuses à différentes étapes de leur division sur des
microstructures asymétriques. Les microtubules sont marqués en vert, les filaments
d'actine en rouge et l'ADN en bleu. Crédit : CEA-IRTSV/AP-HP
Ces résultats montrent que les modes de divisions des cellules souches varient selon les contraintes physiques auxquelles elles sont soumises. Des changements dans l’organisation spatiale de leur microenvironnement, une blessure, un appauvrissement ou une accumulation anormale de cellules à proximité, peuvent les stimuler et influencer la façon dont elles assurent le renouvellement du tissu qui les accueille.
Les techniques mises en place dans cette étude offrent des outils de précision pour maitriser le comportement des cellules souches et orienter le devenir de leur descendance in vitro. Cela constitue une
piste de réflexion pour des applications thérapeutiques, notamment pour la régénération de tissus cellulaires endommagés.
Laboratoires ayant participé à l'étude
- Institut de recherche en technologies et sciences pour le vivant IRTSV du centre CEA-Grenoble (Fédération de recherche CEA/CNRS/Univ. Grenoble Alpes) et Laboratoire de physiologie cellulaire végétale (CEA/CNRS/ Univ. Grenoble Alpes).
- Unité de Thérapie Cellulaire, CIC de Biothérapies.
- UMR940, IUH, Hôpital Saint Louis.