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Protéger pour mieux innover


Le CEA vient de rendre publique sa charte de propriété intellectuelle élaborée pour ses partenaires industriels. Objectifs : leur présenter les grands principes de sa stratégie de protection et d’exploitation des résultats de R&D au service de leur compétitivité, de la souveraineté technologique et du transfert industriel. Un modèle qui a fait ses preuves depuis plus de 20 ans. Explications par Florence Touïtou-Durand, Directrice juridique et du contentieux, et Corinne Hueber-Saintot, Directrice de la valorisation au CEA.


Publié le 14 janvier 2022

Pourquoi et comment le CEA protège-t-il ses innovations et résultats de R&D ?

Corinne Hueber-Saintot : Le CEA, à la faveur de son activité de recherche partenariale, a mis en place depuis près de vingt ans une stratégie de propriété intellectuelle (PI) encadrant la protection et l’exploitation des résultats de R&D issus de ses travaux. Ces derniers peuvent être protégés de plusieurs façons, en fonction de leur nature. Notre voie privilégiée de protection des inventions est le brevet, notamment pour des inventions qui ne requièrent pas de rester secrètes. Notre politique de protection par brevet est très dynamique, comme l’illustre notre position dans les classements INPI et de l’Office européen des brevets (OEB). Elle permet au CEA d’être le premier organisme de recherche déposant de brevets en France et premier déposant français en Europe, avec plus de 7 250 familles de brevets actives à début 2021, et environ 700 brevets déposés par an.

Florence Touïtou-Durand : Les résultats de notre recherche ont une véritable valeur. Au CEA, nous avons fait le choix de conserver la propriété de ces résultats issus des travaux de nos chercheurs car cela nous permet d’assurer pleinement notre mission de diffusion technologique, en mettant à la disposition de nos partenaires un portefeuille de propriété intellectuelle maîtrisé, leur assurant un avantage compétitif, et de leur faire bénéficier des dernières inventions, au plus près de leurs besoins.

Corinne Hueber-Saintot : Notre stratégie de propriété intellectuelle est aussi un élément clé pour assurer notre capacité à préserver la souveraineté technologique. Parce que nous avons cette propriété sur les éléments développés, parce que nous avons en charge sa protection à la fois en France et à l’étranger, nous gardons ainsi la maîtrise de l’invention. Nous pouvons maîtriser l’exploitation qui est faite de nos technologies puisque c’est nous qui allons concéder éventuellement des droits au travers d’accords de licence qui peuvent également inclure des droits sous licence, si besoin, permettant à notre partenaire de concéder des droits d’exploitation à des tiers. Cela nous permet de valoriser prioritairement notre R&D auprès du tissu industriel français et européen.

Florence Touïtou-Durand : Le mot « maîtrise » est important. La maîtrise des droits de propriété intellectuelle représente un enjeu majeur du CEA en tant qu’organisme public de recherche. Il s’agit de la maîtrise, à la fois du devenir de nos résultats en nous assurant notamment de la traçabilité des technologies développées et de l'usage qui peut en être fait. La maîtrise de la propriété des résultats permet également au CEA de continuer à mener les travaux de R&D qu’il estime utiles, de manière autonome.

Quelle est la valeur ajoutée de cette stratégie de propriété intellectuelle et quels sont les bénéfices pour les partenaires industriels du CEA ?

Corinne Hueber-Saintot : Notre stratégie de propriété intellectuelle repose sur un cercle vertueux d’enrichissement de notre portefeuille de brevets et connaissances : en travaillant avec nous, nos partenaires bénéficient de nos briques technologiques pour développer leurs travaux de R&D. Ces travaux vont ensuite permettre de renforcer les briques existantes et d’en générer aussi de nouvelles. Toute cette nouvelle valeur générée pourra être exploitée par nos partenaires pour leurs activités industrielles et pourra aussi servir à d’autres applications. En effet, le CEA conservant la propriété des résultats générés, il peut en faire bénéficier d’autres partenaires issus de différents secteurs d’activité. Partenaires qui, à leur tour, conduiront au développement de nouvelles briques technologiques, et ainsi de suite.

Ce cercle vertueux permet de répondre aux enjeux de compétitivité de nos partenaires industriels, conformément à notre mission. Nous leur offrons en effet une recherche différenciante et protégée tout en leur faisant bénéficier de notre considérable portefeuille de brevets dans des domaines de R&D très variés. Nous permettons ainsi de créer des ponts entre différents domaines. Ce modèle de PI assure de plus une large diffusion des technologies à la fois auprès des grands groupes industriels mais aussi auprès des PME et des start-ups qui n’ont pas toujours les moyens d’investir durablement dans la R&D. Car partir de zéro représente un coût et un risque considérables pour les entreprises.

Florence Touïtou-Durand : Parce que nos partenaires industriels interviennent dans des secteurs concurrentiels, nous pouvons aussi leur apporter un avantage compétitif en sécurisant l’exploitation de leurs résultats de recherche par l’attribution de droits exclusifs d’exploitation sur un couple domaine-produit déterminé. Cette exclusivité est encadrée dans la durée et généralement conditionnée à une exploitation effective pour ne pas bloquer sur le long terme les possibilités d’exploitation des connaissances ainsi que la poursuite des recherches. Mais nous ne recommandons pas toujours l’exclusivité à nos partenaires : cela dépend de leurs besoins, de leur stratégie d’exploitation ou de leur plan d’affaires.

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Salle blanche du CEA © A. Aubert / CEA

Pourquoi avoir élaboré une charte de propriété intellectuelle ?

Corinne Hueber-Saintot : Nous avons élaboré cette charte afin d’expliquer de façon pédagogique à l’ensemble de nos partenaires industriels, notre approche et nos grands principes en matière de PI. Nous voulions leur faire part de notre conviction que nos pratiques sont essentielles pour garantir leurs intérêts stratégiques et nos capacités d’innovation, en réponse à notre mission.

Une partie de notre charte s’adresse aussi aux start-ups. Le CEA veut en effet accompagner au mieux la création de start-ups sur la base de ses technologies. Les principes de protection sont assez similaires à ceux que nous appliquons auprès de nos autres partenaires. Mais nous veillons toutefois à mettre en place des schémas d'exploitation qui soient adaptés à la réalité économique que vit une start-up qui a besoin de temps pour développer ses produits et se faire connaître.

Florence Touïtou-Durand : Cette charte a pour vocation d’expliquer pourquoi et comment nous protégeons les résultats de nos recherches et notamment pourquoi nous déposons des brevets, comment nous gérons notre portefeuille de brevets, comment nous travaillons sur cette base avec nos partenaires et comment nous valorisons ensuite les inventions. Elle a aussi pour but de présenter les différents schémas possibles d’exploitation des résultats, dans le cadre légal qui nous est fixé. Nous présentons ainsi, dans la charte, les grands principes fondamentaux qui nous permettent de répondre à des enjeux de souveraineté et de compétitivité. Mais nous avons également à cœur d’adapter nos règles d’exploitation à des développements particuliers envisagés par nos partenaires ; pour que, in fine, notre mission de transfert technologique vers les industriels soit assurée.


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