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DECRYPTAGE - L'OEIL DE L'EXPERT

Quel mix électrique décarboné pour 2050 ?


Le 25 octobre dernier, RTE, gestionnaire du Réseau de Transport d’Electricité français, a dévoilé son rapport prospectif, « Futurs énergétiques 2050 », présentant ses conclusions phares sur l’évolution nécessaire du système électrique français pour atteindre la neutralité carbone à horizon 2050. Le CEA a été étroitement associé aux travaux d’envergure menés par RTE depuis deux ans, en participant activement à différents groupes de travail et en apportant son expertise scientifique, technique et économique. Explications par Bertrand Charmaison, Directeur de l’Institut I-Tésé du CEA, qui étudie l’économie et la soutenabilité de la transition des systèmes énergétiques vers la neutralité carbone.



Publié le 2 novembre 2021

Dans quel contexte l’étude de RTE a-t-elle été menée et quel est son périmètre ?

La France s’est engagée, selon les recommandations du Giec et à la suite de l’Accord de Paris, à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 en accélérant notamment la transition énergétique. Dès à présent et dans les 30 prochaines années, la France devra nécessairement faire évoluer son système de production électrique pour pouvoir disposer d’une électricité décarbonée efficiente et à des coûts maîtrisés se substituant dans de nombreux usages aux énergies fossiles, ce qui se traduira par une hausse des quantités d’électricité. Ce défi se conjugue à l’arrêt prévu de nombreux réacteurs du parc nucléaire historique qui arriveront au terme de leur duré d’exploitation d’ici 2050. C’est dans ce contexte que RTE a été missionné en 2019 par le gouvernement pour mener une large étude sur l’évolution du système électrique, visant à proposer des scénarios de production permettant de garantir la sécurité d’approvisionnement en électricité tout en permettant l’atteinte des objectifs que la France s’est fixée en matière de neutralité carbone.

RTE a mené un travail remarquable, rigoureux et documenté. Outre les travaux internes impliquant une équipe de 40 personnes, RTE a piloté une concertation de près de deux ans impliquant l’ensemble des parties prenantes (industriels, entités publiques, consommateurs, organisations syndicales, ONG, …). L’éventail de scénarios analysés correspond ainsi à différentes visions sociétales et ne reflète aucun parti-pris idéologique ; l’évaluation de leur impact a été faite via des modélisations très fines du système énergétique, avec une méthodologie acceptée par tous, et sur la base d’hypothèses transparentes. Cette étude s’impose ainsi comme la référence pour le débat public sur les différentes options possibles de mix électrique décarboné à l’horizon 2050.

Quels sont les scénarios étudiés par RTE ?

Côté demande, RTE a retenu sept scénarios de consommation, qui se traduisent tous par une hausse de la consommation d’électricité d’ici 2050 suite à l’électricification des usages en substitution aux énergies fossiles, comme pour la mobilité électrique. Côté offre, RTE a étudié six scénarios possibles de production d’électricité ; trois d’entre eux (scénarios « N »), supposent le développement de nouveaux réacteurs nucléaires, les trois autres (scénarios « M ») n’envisagent pas de nouveaux investissements dans le nucléaire et proposent  un système électrique uniquement alimenté, à terme, par des sources d’énergies renouvelables (EnR).

Sur quels critères s’appuie l’analyse des scénarios ?

Les différents scénarios sont analysés en considérant différentes dimensions :

  • Leur faisabilité technique ; 
  • Des critères économiques ; pour ce faire, RTE a évalué les coûts complets du système en fonction des différents scénarios de mix envisagés, incluant les coûts liés aux adaptations des réseaux et aux moyens de flexibilité nécessaires, en plus des coûts des différents moyens de production ; 
  • L’environnement, au-delà du respect de la neutralité carbone en 2050, incluant des analyses de cycle de vie complètes ainsi que des analyses sur la disponibilité effective des ressources, notamment certains métaux clés ; 
  • Les aspects sociétaux, avec les implications et les différentes conditions requises pour que les différents scénarios se matérialisent.

La méthodologie appliquée est remarquable, et permet une très grande profondeur d’analyse, qui ne se limite pas à une simple analyse de coûts. Elle met par ailleurs en regard les risques associés aux différents scénarios envisagés, en faisant la distinction entre les risques de nature industrielle et les risques de nature technologique.

Pouvez-vous nous expliquer cette différence ?

Le risque de nature technologique est matérialisé par des verrous technologiques que l’on ne sait pas encore lever, et qui devront l’être avant 2050 pour que le scénario puisse se réaliser techniquement. Dans le rapport conjoint RTE/AIE (Agence Internationale de l’Energie) publié en début d’année, quatre conditions ont ainsi été identifiées pour les mix avec une très forte pénétration de renouvelables, avec les verrous associés. La faisabilité pratique des scénarios « M » est donc liée à la levée de ces verrous technologiques. De même, le scénario N03 de RTE, basé sur un parc nucléaire de 50 GW en 2050, repose sur la prolongation de l’exploitation de certains réacteurs nucléaires existants au-delà de 60 ans, qui est aujourd’hui incertaine.

Par risque de nature industrielle, on entend le risque de ne pas disposer à temps d’une filière industrielle suffisamment performante et robuste pour développer massivement une technologie maîtrisée. Le développement massif des renouvelables à des rythmes supérieurs à ceux observés dans le passé qui est prévu pour tous les scénarios, de même que le déploiement de 14 EPR dans les scénarios N2 et N03, relèvent ainsi de cette catégorie.

Comment le CEA a-t-il été impliqué dans les travaux de RTE ?

Le CEA a été étroitement associé à ce travail et au processus de concertation, en participant activement à différents groupes de travail et à des réunions thématiques. Le CEA a partagé sa meilleure vision sur l’évolution des technologies, de leurs performances et des coûts associés, que ce soit par exemple pour le photovoltaïque et son insertion dans les réseaux, la production d’hydrogène ou les technologies nucléaires, notamment les SMR. Notre contribution a notamment permis d’apporter des éléments concernant les verrous technologiques qu’il reste à lever, ainsi que notre expertise sur les travaux de R&D qu’il faudrait mettre en œuvre pour les lever.

Y a-t-il des enseignements communs à tous les scénarios ?

Quel que soit le scénario, l’analyse de RTE confirme qu’il y a urgence à se mobiliser collectivement : institutionnels, organismes de recherche, industriels, citoyens. La crise climatique impose d’aller beaucoup plus vite qu’au cours des 10 dernières années, tout en garantissant une adhésion de la société aux mesures engagées et en ne se limitant pas à transférer les émissions hors de la France. Le rapport souligne ainsi, et le CEA le rejoint tout à fait sur cette conclusion, la nécessité de prendre rapidement des décisions sur les scénarios retenus. Les efforts de R&D doivent également être intensifiés pour lever les différents verrous afin de contribuer au développement des technologies, et ce pour l’ensemble des filières bas-carbone et pour l’adaptation des réseaux.

Différents travaux de recherche sont en cours au CEA pour lever certains de ces verrous. Nous travaillons par exemple, sur l’électronique de puissance pour résoudre les problèmes de stabilité et d’inertie du réseau, nous développons et contribuons à industrialiser de nouvelles technologies dans le champ des énergies bas carbone (photovoltaïque, électrolyse haute température, SMR pour ne citer qu’elles), ainsi que pour renforcer les complémentarités entre EnR et nucléaire pour un mix neutre en carbone en 2050.

Enfin, outre le choix de scénario, une réflexion sur l’organisation des marchés doit être menée afin de garantir le cadre permettant de sécuriser les investissements. Les travaux de RTE démontrent en effet l’impact prépondérant des coûts de financement sur le coût total du système, et ce quelles que soient les technologies bas-carbone envisagées.

Futurs énergétiques 2050 : quelle méthodologie ?

RTE assure une mission de service public : garantir l’alimentation en électricité à tout moment et avec la même qualité de service sur le territoire national. C’est dans le cadre de ses missions et en réponse à une saisine du gouvernement que RTE a lancé en 2019 une étude de grande ampleur sur l’évolution du système énergétique, intitulée « Futurs énergétiques 2050 ».

Après avoir caractérisé avec rigueur de nombreux systèmes électriques pouvant remplir l’objectif de neutralité carbone en 2050, RTE a lancé une démarche inédite de concertation réunissant 4 000 contributions d’entités professionnelles, associations et citoyens. Tous les aspects de l’étude ainsi que les scénarios ont été discutés de façon ouverte et transparente lors de groupes de travail et dans le cadre d’une instance plénière de concertation, avec une méthodologie acceptée par l’ensemble des parties prenantes.

Le dispositif de concertation a été complété d’un conseil scientifique qui a suivi l’ensemble des travaux depuis le printemps 2021. La deuxième phase de cette étude se tiendra jusqu’à la parution de l’étude complète, début 2022.

Pour en savoir plus, lire les principaux enseignements de l’étude de RTE « Futurs énergétiques 2050

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