Le courant des Caraïbes, précurseur du courant de Floride puis de celui du Gulf Stream, est un maillon important de la circulation océanique globale. Il est composé d'eaux de surface avec des apports à part à peu près égales de l'Atlantique tropical et de l'Atlantique subtropical. Mais des chercheurs ont observé des changements dans la remontée d'eaux intermédiaires, accompagnés d'un ralentissement de la circulation océanique. Les spécialistes du LSCE et de l'Institut de physique du Globe ont pu les détecter, en remontant jusqu'à environ 1880, via l'analyse isotopique du carbone et de l'oxygène de coraux de l'Est de la Martinique.
Un appauvrissement en carbone 14 des coraux
Lors de ces évènements décennaux, durant une dizaine d'années et survenant irrégulièrement, les coraux présentent un appauvrissement en carbone 14 (14C) par rapport à la moyenne. Or, ce changement ne peut pas être attribué à l'atmosphère dont la composition varie très peu à ces durées et intervalles de temps. Martine Paterne, géoscientifique pilotant les analyses, propose une explication : « Ces coraux se situent dans les eaux de surface de la zone tropicale qui est impactée par des remontées d'eaux intermédiaires. Ces dernières contiennent peu de 14C car elles proviennent des eaux australes qui sont profondes et donc sans contact avec l'atmosphère. En remontant à l'Ouest, vers les Caraïbes, elles circulent dans les eaux de surface provoquant leur appauvrissement en 14C. »
Ce phénomène de remontée des eaux australes en surface à l'équateur puis dirigées vers les Caraïbes fait partie de la boucle classique de la circulation océanique globale. Mais le changement dans le temps de son intensité interpelle les chercheurs qui émettent l'hypothèse de l'intensification des vents balayant l'océan Austral.
L'origine naturelle plus qu'anthropique de ces changements décennaux
Autre question importante soulevée par ces travaux, celle de comprendre le lien entre le changement climatique et ces évènements décennaux. Si les chercheurs disposent de mesures permettant de remonter à 1825, le premier évènement significatif enregistré date de 1885. Une période antérieure aux années 1950 lors desquelles les concentrations atmosphériques en CO2 étaient sensiblement en hausse, amorçant le changement climatique anthropique.
« De fait, nous ne pouvons pas attribuer au seul forçage anthropique les changements de la circulation océanique survenus à partir des années 1880. Nous supposons alors qu'il s'agit là d'une variabilité naturelle induite par un changement au niveau de l'océan Austral mais il nous faudra le vérifier », conclut la géoscientifique du LSCE.