Depuis 1981, l'observatoire de l'Ile Amsterdam effectue un suivi continu des concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone (CO2) ; ses mesures ont depuis été complétées par celles d'autres gaz à effet de serre comme le méthane (CH4) ou l'oxyde nitreux (N2O). Située dans l'océan Indien et faisant partie des Terres australes et antarctiques françaises, « l'île d'Amsterdam est représentative de la moyenne globale mondiale des concentrations atmosphériques car elle est très éloignée des sources de pollution et l'air y est donc relativement pur. Elle constitue également une station de référence pour l'hémisphère Sud », indique Marc Delmotte, climatologue au LSCE.
Cette année, les mesures de cet observatoire ont franchi le palier des 420 parties par million (ppm), soit 24 % au-dessus des premières mesures réalisées en 1981. « Ce palier de 420 ppm est symbolique puisqu'il représente une augmentation de 50 % des concentrations atmosphériques en CO2 par rapport à celles du début de l'ère préindustrielle (1850) mesurées à 280 ppm dans les archives glaciaires ». Le rythme de croissance annuel a également franchi un niveau jamais atteint avec une augmentation de +3,7 ppm entre avril 2023 et avril 2024, traduisant le rythme croissant de l'augmentation du CO2 dans l'atmosphère. La précédente valeur la plus élevée avait été observée entre juillet 2015 et juillet 2016 (+3,6 ppm).
Les émissions anthropiques de gaz à effet de serre, couplées au phénomène El Niño, en cause
Le point commun entre ces deux maximums de croissance est le phénomène climatique naturel El Niño. L'une de ses conséquences est une hausse temporaire des températures mondiales qui alimente de nombreux événements extrêmes autour du monde. Ces perturbations climatiques affectent les échanges de CO2, notamment ceux des puits de carbone marin et terrestre (hausse de la température dans certaines zones océaniques, sécheresses, incendies, etc…), et se traduisent par une accélération temporaire de la croissance du CO2. Associés aux évènements El Niño, ces excès de CO2 se superposent aux émissions d'origine humaine issues de l'usage intensif des combustibles fossiles. L'augmentation des concentrations de CO2 est alors observée partout dans le monde, y compris dans les observatoires très isolés.
La concentration de méthane (CH4), mesurée depuis 20 ans à l'Ile Amsterdam, est également en hausse. Elle dépasse désormais 1850 parties par milliard (ppb). Comme pour le CO2, son rythme de croissance présente des variations d'une année sur l'autre, qui se superposent à une tendance à la hausse sur le long terme. Mais contrairement au CO2, sa croissance a été modérée ces derniers mois (inférieure à 5 ppb/an), alors qu'elle avait atteint des taux records entre 2020 et 2022 (supérieurs à 15 ppb/an). L'accélération de la croissance du CH4 des dernières années semble imputable à plusieurs causes incluant des émissions importantes par les zones humides tropicales, et une augmentation de la durée de vie du méthane liée à la baisse des émissions des oxydes d'azote lors des confinements de 2020.
« Les programmes d'observation à long terme des gaz à effet de serre sont essentiels à notre compréhension de l'augmentation de leur concentration dans l'atmosphère, en réponse aux activités humaines et aux perturbations climatiques qui affectent leurs flux naturels. La hausse record du CO2 observée dans nos observatoires illustre le chemin qu'il reste à parcourir pour stabiliser ce forçage radiatif généré par l'utilisation des combustibles fossiles."