Les efforts de réduction des émissions annoncés par les États sont à ce jour insuffisants pour atteindre l'objectif de l'Accord de Paris. C'est pourquoi les scientifiques explorent systématiquement des trajectoires, dites de dépassement, qui franchissent temporairement la valeur plafond avant de revenir à des niveaux de réchauffement plus sûrs.
Dans un projet de plus de trois ans, porté par Climate Analytics et soutenu par le fonds d'innovation européen HORIZON 2020, une trentaine de climatologues ont ainsi étudié des scénarios de dépassement de +1,5°C, la limite fixée par l'Accord de Paris. Dans ces scénarios, la température globale s'élève de plus de 1,5°C puis redescend sur le long terme à +1,5°C. « Ce type de scénarios implique que les émissions de CO2 d'origine anthropique baissent, en gros elles s'annulent lorsque le pic de température dépassant +1,5°C est atteint puis elles doivent devenir négatives c'est-à-dire que l'on doit enlever du CO2 de l'atmosphère afin de faire baisser la température globale », précise Philippe Ciais, chercheur du LSCE et co-auteur de cette étude qui apporte plusieurs enseignements :
- Le pic temporaire de réchauffement à +1,5°C déclenche des dommages climatiques irréversibles, comme par exemple l'élévation du niveau des mers.
- Le bénéfice climatique produit par des émissions nettes négatives à l'échelle mondiale est avéré : une baisse à long terme des températures pourrait réduire l'élévation du niveau de la mer en 2300 d'environ 40 cm par rapport à une situation où les températures cesseraient simplement d'augmenter.
- La quantité d'émissions négatives nécessaire pour redescendre à +1,5°C est très importante. Or, il n'existe aujourd'hui pas de technologies pouvant enlever massivement du CO2 de l'atmosphère si les objectifs de l'Accord de Paris ne sont pas respectés.
« Des réductions d'émissions très importantes doivent aller de pair avec des technologies d'élimination massive du dioxyde de carbone à grande échelle et écologiquement viables. Or cela reste très incertain. C'est une capacité de plusieurs centaines de milliards de tonnes d'absorption de carbone qui serait nécessaire, insiste le spécialiste. Plus tôt nous parviendrons à atteindre le zéro émission nette, moins le pic de réchauffement sera élevé et moins les risques d'impacts irréversibles seront importants. »