Depuis leur découverte en 1967, les sursauts gamma (GRB) font l'objet d'un suivi continu grâce à des observations multi-longueurs d'onde par des télescopes au sol et dans l'espace. Ils proviennent de deux phénomènes intenses distincts : la fusion de deux étoiles à neutrons lorsque ce sont des sursauts gamma courts (d'une durée inférieure à 2 s) ; l'effondrement d'une étoile, dans le cas des GRB longs (jusqu'à plusieurs minutes). Celui détecté par les télescopes disponibles le 9 octobre 2022, et baptisé GRB221009A, est considéré comme un GRB long avec un flash de rayons gamma d'environ 600 s. C'est surtout son intensité qui a surpris la communauté mondiale des astrophysiciens.
Au CEA-Irfu, ils sont nombreux à avoir débusqué sa présence dans les données des différentes missions auxquelles ils participent. De fait, un sursaut gamma peut être observé dans différentes longueurs d'onde : photons radio, visible, X, ultra-violet (UV), infrarouge (IR) et gamma bien sûr. Ainsi, les télescopes Integral (gamma) et Solar Orbiter (radio, X, UV) l'ont détecté dans sa première phase dite « prompte », car d'émission rapide (quelques secondes) et très brillante. Et les instruments de GRANDMA (visible, UV et IR), H.E.S.S. (gamma) et du James Webb (IR) ont observé sa phase dite « rémanente » : le rayonnement peut en effet persister jusqu'à plusieurs semaines, résultant de l'interaction des électrons accélérés (par l'explosion de l'étoile) avec le milieu ambiant. D'où l'intérêt que toutes ces missions collaborent entre elles pour alerter et orienter les télescopes disponibles au moment opportun, puis pour recouper leurs données et interprétations.
Un évènement unique dans l'histoire de l'humanité
Le travail a été long et fastidieux pour les astrophysiciens, notamment du fait de la situation « astrographique » de GRB221009A : se situant dans notre plan galactique, ses différents rayonnements subissent une forte absorption par les poussières de la galaxie, ce qui demande une bonne maîtrise de ce « parasitage ». Mais leurs efforts ont été récompensés : « la luminosité extrême de GRB 221009A (environ 8 masses solaires relâchées en rayons gamma en l'espace de 10 minutes), combinée à sa proximité rare (environ 2 milliards d'années-lumière du système solaire), font de lui le sursaut le plus brillant jamais observé », explique Damien Turpin, astrophysicien au CEA-Irfu. Et selon les statistiques sur les populations de GRB déjà connues, à ce jour plus de 10 000, il pourrait être un événement unique dans l'histoire de l'humanité, soit un tous les dix mille ans !
Des observations supplémentaires au cours des prochains mois, notamment dans les domaines radio et X, permettront d'apporter des informations complémentaires précieuses pour lever le voile sur les processus physiques à l'œuvre. Par ailleurs, un jeu de données standardisées entre les différentes communautés (radio, X, UV, IR, gamma) est en cours d'élaboration et permettra aux théoriciens de construire des modèles plus appropriés.
Nul doute que GRB 221009A occupera les esprits des scientifiques pour les mois à venir.