Supraconducteurs à haute température critique, les cuprates – oxydes mixtes de baryum, cuivre et yttrium (YBaCuO) – sont des matériaux lamellaires, formés de plans CuO2, dont on peut faire varier la densité d'électrons. Après bientôt quatre décennies, les physiciens tentent de comprendre toujours plus finement leurs étonnantes propriétés supraconductrices.
Quand la densité électronique augmente, ces cuprates évoluent d'un état isolant, présentant un ordre antiferromagnétique, à un état métallique qui devient supraconducteur à basse température. La supraconductivité semble alors émerger d'une phase de pseudo-gap, à laquelle sont associés très peu d'états électroniques. De manière similaire à un « vrai » gap, ce pseudo-gap peut s'ouvrir lorsque les électrons interagissent avec le réseau YBaCuO.
S'établissant en dessous d'une certaine température, cette phase de pseudo-gap pourrait comporter un ordre caché, formé de boucles de courant circulant dans un plan CuO2. Plusieurs approches théoriques proposent l'existence de telles boucles, brisant l'invariance par translation du réseau cristallin YBaCuO. Ces boucles prédites par les théoriciens doivent engendrer une distribution de champ magnétique à laquelle un faisceau de neutrons peut être sensible.
C'est pourquoi des chercheurs de l'Iramis poursuivent leurs mesures de diffraction de neutrons polarisés en spin à l'Institut Laue-Langevin (Grenoble) sur des échantillons de YBaCuO avec diverses compositions.
Les expériences sur YBa2Cu3O6,6 révèlent deux réponses magnétiques distinctes, apparaissant simultanément quand le système entre dans la phase de pseudo-gap. La première, précédemment découverte par l'équipe, est localisée tandis que la seconde, plus faible et au profil de diffraction plus large, n'avait pas été détectée auparavant. De telles caractéristiques du spectre de diffraction ont pu être associées à une texture magnétique complexe.
Ce nouveau résultat conforte les modèles de structure électronique comprenant des boucles de courant pour la phase de pseudo-gap des cuprates. L'ensemble de ces boucles, produisant des moments magnétiques orbitaux alternés, génèrent un champ magnétique global fortement structuré, qui renforce l'idée qu'une interaction magnétique complexe pourrait être à l'origine de la supraconductivité à haute température dans les cuprates.