La composition isotopique de la vapeur d'eau atmosphérique fournit des indications sur le transport de l'eau dans les masses d'air et ses changements de phase. Ainsi, des mesures isotopiques à haute résolution spatiale et temporelle permettraient aux climatologues d'accéder à un historique des processus de distillation, de condensation et d'évaporation subis par les masses d'air. Et c'est alors un champ de recherches qui ouvrirait des perspectives nouvelles pour la prévision des évènements climatiques extrêmes liés au cycle de l'eau.
Aujourd'hui, l'abondance isotopique de la vapeur d'eau est principalement mesurée par des spectromètres à cavité circulaire. Ceux-ci sont utilisés par les réseaux de mesure au sol et certaines mesures aéroportées. La résolution spatio-temporelle de telles mesures, si elle permet de remonter dans certains cas à l'historiques des masses d'air, reste néanmoins insuffisante pour l'étude de processus météorologiques clés liés au dérèglement climatique et la validation de modèles à des échelles de plus en plus fines. À l'échelle de la Terre, la colonne intégrée des deux isotopes principaux de l'eau est mesurée par l'instrument européen IASI de la mission spatiale METOP, mais là aussi, il manque l'échantillonnage vertical.
Pour aller plus loin, un consortium de plusieurs laboratoires français a développé, avec le soutien de l'ANR, une technologie Lidar capable de réaliser des mesures isotopiques sur la vapeur d'eau. Ce lidar à absorption différentielle (WaVIL, Water Vapour Isotope Lidar) permet de mesurer pour la première fois en continu les teneurs atmosphériques en H2O et HDO (où D est le deutérium, un isotope « lourd » de l'hydrogène).
Les premières mesures par lidar d'un profil d'abondance isotopique en HDO ont été effectuées par WAVIL entre 0 et 1500 m d'altitude sur le plateau de Saclay en mars 2022. La résolution verticale de la mesure était de 600 m, avec des valeurs de rapport isotopique allant de -51 ‰ à -119 ‰ et une précision supérieure à 100 ‰ dans les mille premiers mètres au-dessus de l'instrument.
WaVIL a également servi de banc d'essais d'un lidar à absorption différentielle aéroporté, en développement par le même consortium. Cet autre lidar devra mesurer H216O, HDO, CO2 et CH4 dans le cadre du projet européen LEMON (Lidar Emitter and Multispecies greenhouse gases Observation iNstrument), dont la démonstration est prévue en été 2023 en région toulousaine. La technologie mise en place doit être couplée à un nouveau détecteur dans le proche infrarouge développé au CEA-Leti. C'est une candidate sérieuse pour des mesures lidar de la vapeur d'eau à partir de l'espace.
La principale innovation technologique de ces lidars réside dans l'utilisation d'une source laser accordable avec une extrême précision (Optical Parametric Oscillator), développée par l'Onera. Le LSCE a, quant à lui, adapté un télescope de rechange de la station MIR pour l'intégrer au lidar avec l'aide de la division technique du CNRS-INSU, puis a coordonné la validation et l'étalonnage de l'instrument, ainsi que les campagnes aéroportées.
Lire l'actualité sur le site du CNRS.