L'instrument DESI, installé en 2019 auprès télescope Mayall de quatre mètres de diamètre, à l'Observatoire national de Kitt Peak (Arizona), a commencé son programme d'observations en mai 2021 au terme d'une période de validation de quatre mois.
Alors qu'il avait fallu quinze ans à la collaboration SDSS (Sloan Digital Sky Survey) pour observer cinq millions de galaxies et quasars, il lui a suffi de quelques mois pour battre ce record. En effet, toutes les vingt minutes, cinq mille fibres optiques visent chacune une cible préalablement repérée et sélectionnée, et le signal recueilli est distribué à l'un des dix spectrographes de DESI. Une cadence infernale !
Le fonctionnement fluide et automatisé de DESI repose en particulier sur le positionnement individuel des fibres optiques, à 10 microns près, par cinq mille robots. Un véritable défi technologique ! Ce succès est aussi celui des spectrographes de DESI, construits par l'entreprise française Winlight Optics, et celui des enceintes cryogéniques protégeant leurs capteurs CCD, conçues et réalisées au CEA-Irfu. « Notre système cryo-mécanique maintient les CCD à la température requise à 0,1 degré près, sans aucun accroc jusqu'à présent, souligne Pierre-Henri Carton, chercheur à l'Irfu.
Les spectrographes fournissent, pour chaque galaxie ou quasar, le « décalage vers le rouge » de leur émission lumineuse (redshift), que les chercheurs relient à la distance de l'objet visé, afin de reconstruire les grandes structures de l'Univers sur un tiers du ciel.
Le choix des cibles avait été mûrement réfléchi avant le démarrage des observations. « Pour nous assurer de la qualité de nos données, nous avons mené une intense campagne de tests pour valider les algorithmes de sélection des différentes classes d'objets à observer, explique Christophe Yèche, cosmologiste à l'Irfu. Grâce à ces tests, la stratégie d'observation a été affinée et optimisée pour chaque classe d'objets. »
En effet, DESI observe différents types de galaxies, témoins des douze derniers milliards d'années de l'Univers (vieux de 13,8 milliards d'années) :
- des galaxies brillantes situées jusqu'à 4 milliards d'années-lumière de la Terre,
- des galaxies « rouges » jusqu'à 8 milliards,
- des galaxies « bleues » jusqu'à 10 milliards,
- des quasars jusqu'à 12 milliards.
« Des techniques d'intelligence artificielle permettent de corriger efficacement les erreurs systématiques qui affectent chaque classe d'objets, relève Edmond Chaussidon, doctorant en cosmologie à l'Irfu. Elles sont également mises en œuvre pour sélectionner les quasars et déterminer leur redshift à partir de leur spectre. »
Or les grandes structures qui émergent de ces observations portent encore aujourd'hui l'empreinte laissée par les ondes acoustiques qui parcouraient le plasma primordial, au moment de leur formation dans l'Univers naissant, il y a des milliards d'années. En extrayant ces informations ténues, les physiciens peuvent reconstituer une histoire de l'expansion de l'Univers.
Cette « histoire » est fondamentale car elle détermine le destin de l'Univers. L'énergie sombre, qui constituerait près de 70 % du contenu énergétique de l'Univers, continuera-t-elle à le dilater, le fera-t-elle s'effondrer à nouveau sur lui-même ou bien le déchirera-t-elle ? La connaissance du passé pourrait éclairer l'avenir…
Par ailleurs, en comparant l'histoire de l'expansion à celle de la croissance des grandes structures de l'Univers, les cosmologistes pourront vérifier si la théorie de la relativité générale d'Einstein s'applique à ces immenses étendues d'espace et de temps.
La collaboration internationale DESI est pilotée par le Lawrence Berkeley National Laboratory du Department of Energy américain. Elle rassemble près de 500 chercheurs de 75 institutions dans 13 pays. La conception des spectrographes est le fruit d'une collaboration entre le Berkeley Lab, le CEA, le CNRS, ainsi que Winlight Optics, spécialisée dans l'optique de précision.