La thermodynamique décrit les états d'équilibre atteints par un système physique au bout d'un temps long, comme par exemple, de l'eau ou de la glace, au-dessus ou en dessous de 0°C. Mais elle ne dit rien sur la transition entre ces deux états.
Plus généralement, la physique statistique d'équilibre détermine les états d'équilibre d'un système, établit des bilans d'énergie et d'ordre, lors du passage d'un état à l'autre, ou encore, prévoit l'évolution d'un système vers l'équilibre, mais elle ne décrit pas la dynamique de phénomènes hors d'équilibre, comme un courant de particules, la conduction de la chaleur, la circulation d'un courant électrique ou l'écoulement d'un fluide visqueux. En effet, dans tous ces cas, le système physique étudié échange de la matière, de l'énergie ou de l'information avec l'environnement extérieur. Ainsi, pour construire une théorie des systèmes hors d'équilibre, les théoriciens recherchent des règles plus générales, permettant de décrire des états stationnaires, en présence de flux d'échanges non nuls entre un système et son environnement.
Dans les années 1970, le concept de « fonctions de grandes déviations », introduit deux décennies plus tôt par des actuaires, est devenu le centre d'une série de travaux (menés notamment par le mathématicien indien Srinivasa Varadhan) permettant de comprendre l'émergence de comportements hydrodynamiques pour des modèles de particules, loin de l'équilibre. Ces fonctions de grandes déviations peuvent être considérées comme des généralisations de grandeurs thermodynamiques (énergie libre, entropie, etc.). Elles donnent notamment accès à des états très rares, dans des systèmes physiques complexes, comportant un très grand nombre de particules.
Plus récemment, il y a une vingtaine d'années, le physicien théoricien italien Giovanni Jona-Lasinio et ses collègues ont proposé un cadre formel s'appliquant aux phénomènes diffusifs loin de l'équilibre : cette « théorie des fluctuations macroscopiques » (MFT) décrit les fluctuations hors d'équilibre, à partir d'un système d'équations d'hydrodynamique non linéaires. Mais hélas, ces équations semblaient insolubles dans les cas les plus intéressants.
Dans ce contexte, Kirone Mallick, chercheur à l'IPhT et ses deux partenaires japonais proposent une solution analytique complète de la MFT pour un système modèle de physique statistique (à une dimension) : le « processus d'exclusion simple symétrique ». De quoi s'agit-il ? Des particules en très grand nombre se déplacent de manière aléatoire (en un mouvement brownien) et sont animées d'un mouvement collectif de diffusion car leur densité est maintenue inhomogène (système hors d'équilibre). La question posée est la suivante : comment comprendre les propriétés du courant transporté et en particulier, ses variations ?
Ces physiciens théoriciens ont eu l'idée de détourner une méthode de reconstruction d'image utilisée en optique non linéaire, et a priori, très éloignée de la physique statistique. Cette technique puissante, dite de « diffusion inverse », consiste à reconstruire la forme d'un objet, connaissant les propriétés de l'onde électromagnétique diffusée par lui dans toutes les directions. Mathématiquement, elle repose sur une extension non linéaire de la transformation de Fourier. Utilisée également en hydrodynamique et en physique des plasmas, elle se révèle très fructueuse pour une approche quantitative générale des processus hors d'équilibre et, en particulier, pour la compréhension quantitative des événements rares et des fluctuations dynamiques qui en résultent.
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Lire sur le site de l'IPhT.