La spintronique exploite des courants de spin, c'est-à-dire des courants d'électrons dont une majorité possède un spin identique et une minorité, un spin orienté dans la direction opposée. Ces courants de spin sont souvent produits ou sondés grâce à des matériaux ferromagnétiques dont l'aimantation impose la direction du spin majoritaire. Or, un peu comme un courant électrique classique peut être absorbé de manière indésirable (via des courants de fuite), un courant de spin peut voir sa majorité de spin diminuer sous l'effet d'une « absorption de spin ».
Des chercheurs ont voulu savoir si l'absorption de spin à proximité d'un élément ferromagnétique dépend de l'orientation du spin par rapport à l'aimantation du matériau.
Pour cela, ils ont fabriqué par lithographie électronique un dispositif permettant de bien séparer courant de charges et courant de spin et d'accéder à des mesures très sensibles d'états magnétiques microscopiques. Dans leur « vanne de spin latérale », un courant de spin est créé dans un fil de cuivre, grâce à une première électrode ferromagnétique (en Co, CoFe ou NiFe), disposée perpendiculairement par rapport au fil (au-dessus de lui) puis, après s'être propagé sur quelques centaines de nanomètres, il est sondé grâce à une 2e électrode, en tout point identique à la première.
Ce dispositif permet de mesurer l'absorption de spin bien connue, dans le cas classique où le spin majoritaire est parallèle à la direction de l'aimantation du matériau ferromagnétique qui le sonde.
Dans un autre dispositif fabriqué à l'identique, les physiciens ont introduit, à mi-distance entre les électrodes, un nanodisque ferromagnétique dont l'aimantation est perpendiculaire à celle des électrodes (et donc du spin majoritaire du courant de spin). Ce 2e dispositif permet donc, cette fois, de mesurer l'absorption de spin dans le cas inhabituel où le spin majoritaire est perpendiculaire à l'aimantation du matériau ferromagnétique qui le perturbe.
Pour la première fois, les chercheurs montrent que l'absorption de spin dépend beaucoup de l'orientation du spin majoritaire par rapport à l'aimantation du matériau et précisent quantitativement les valeurs pour les deux géométries différentes (spin parallèle ou perpendiculaire). Ils déterminent ainsi la « conductance de mélange de spin », un paramètre difficilement accessible mais fondamental, du transport de spin.
Ces travaux ont été réalisés en collaboration avec l'Unité mixte de physique CNRS/Thales (Palaiseau).