Essentielles en chimie, les orbitales moléculaires donnent une image de l'occupation spatiale des fonctions d'onde électroniques et l'étude de leur dynamique donne accès aux mécanismes réactionnels impliquant la molécule. Observer ces dynamiques en temps réel est un défi considérable et les techniques actuelles ne permettent de le faire que selon une seule dimension spatiale.
L'étude du rayonnement harmonique réémis sous forme d'impulsions de durée attosecondes (10-18 s) est alors particulièrement intéressante car sa résolution spatio-temporelle est adaptée pour retrouver la forme des orbitales électroniques.
La méthode consiste ainsi à produire des impulsions de durée attoseconde par génération d'harmoniques d'ordre élevé en faisant interagir des impulsions laser femtoseconde (10-15 s) avec un gaz moléculaire. Dans ce processus périodique, un électron est arraché de la molécule cible, puis accéléré et renvoyé sur l'ion parent (recollision) par le fort champ laser excitateur, ce qui conduit à l'émission d'un train de flashes XUV attoseconde. Ce qui constitue aussi une « sonde » d'orbitale moléculaire par un « paquet d'ondes » électronique. Comme le laser femtoseconde incident permet de varier la direction et l'énergie du paquet d'ondes, il est possible de « balayer » l'orbitale dans un espace bidimensionnel.
Pour accéder à des informations sur l'orbitale moléculaire, il faut donc analyser le train d'impulsions VUV émis. L'amplitude du champ électrique peut être mesurée avec un détecteur UVX classique mais pour sa phase, les chercheurs de l'Iramis (Lidyl) ont dû développer deux techniques interférométriques requérant chacune une stabilité nanométrique du chemin optique ! Chacune des deux mesures donnant accès à la dérivée de la phase spectrale selon l'une des deux dimensions du plan, il est ensuite possible de remonter à la phase du champ par une méthode analogue à celle utilisée pour la reconstruction de fronts d'onde en optique.
Les physiciens ont ainsi obtenu la première cartographie 2D du champ électrique pour des impulsions attoseconde émises par des molécules de diazote.
Leurs travaux ouvrent de multiples perspectives :
- la tomographie quantique d'orbitales moléculaires sans hypothèse préalable et avec une grande précision,
- l'étude détaillée de dynamiques électroniques ultrarapides initiées par le laser intense, telles que la migration de charge résultant de l'ionisation en champ fort de molécules d'hydrocarbures ou d'oxydes d'azote,
- l'imagerie directe de la distorsion des orbitales moléculaires lors d'une réaction chimique, avec une résolution sub-femtoseconde.