Les composés de type pyrochlore (A2B2O7) présentent une structure magnétique dite « frustrée » – du fait de l'orientation contrainte des spins situés aux sommets des tétraèdres de la structure en « glace de spin » – qui empêche tout ordre magnétique à longue distance comme dans un ferromagnétique. L'état fondamental du composé possède alors une forme particulière d'ordre local, régissant plusieurs configurations magnétiques d'énergie minimale. De manière remarquable, des charges électriques fictives sont associées aux violations de cet ordre local et leurs interactions coulombiennes ont inspiré le nom de « phase de Coulomb » à cet état du système.
Des chercheurs du Laboratoire Léon-Brillouin (LLB) ont choisi d'étudier le composé Nd2Zr2O7 en sondant son ordre magnétique par diffusion de neutrons polarisés. De précédentes mesures de diffusion de neutrons avaient montré que Nd2Zr2O7 présente une phase paramagnétique qui cède la place à une phase antiferromagnétique classique en dessous de la température dite de Néel (300 mK). De nouvelles expériences à très basse température, entre 300 mK et 1 K, révèlent une carte de diffusion diffuse, caractéristique d'une nouvelle phase magnétique, dont les physiciens ont recherché l'origine. Ils ont établi que l'ion néodyme, porteur d'un spin, possède un degré de liberté supplémentaire, en l'occurrence un moment octupolaire. C'est cette interaction magnétique qui enrichit le diagramme de phases du composé en stabilisant la nouvelle phase dite « de Coulomb octupolaire ».
L'émergence de nouvelles phases solides de matériaux « quantiques » dans des conditions « exotiques » (ici à très basse température) témoigne d'interactions variées (électrostatiques, magnétiques ou… octupolaires magnétiques), qui peuvent in fine gouverner les propriétés macroscopiques des matériaux, comme leur aimantation globale, leur polarisation électrique… ou encore leur supraconductivité.
Ce travail a été réalisé en collaboration avec l'Institut Néel (Grenoble) et l'Université de Warwick (Grande-Bretagne).