Les tourbières naturelles sont les écosystèmes terrestres qui stockent le plus de carbone dans le monde, soit près d'un tiers du stock de carbone des sols mondiaux. Dans leurs sols gorgés d'eau, les matières organiques ne se décomposent que partiellement et le carbone s'accumule dans les sols au fil du temps.
En revanche, le drainage des tourbières pour l'agriculture, la sylviculture ou l'assainissement de ces milieux favorise l'aération de leurs sols et augmente la décomposition de la matière organique et, par suite l'émission de carbone dans l'atmosphère.
Les tourbières sont restées jusqu'à présent une pièce manquante et pourtant majeure du cycle du carbone.
Pour avancer sur ce thème, l'équipe de chercheurs a construit un modèle de simulation des sols qui intègre les processus physiques et chimiques liés à l'eau et au carbone. C'est un des premiers modèles qui permettent de simuler le fonctionnement des tourbières, leur conversion en terres cultivables et les émissions de carbone qui en résultent.
Elle l'a utilisé pour déterminer l'évolution dans le temps des émissions de carbone des tourbières cultivées après un drainage initial. Des quantités élevées de carbone peuvent être émises au cours des premières années suivant le drainage mais les émissions diminuent par la suite, passant d'environ 20 tonnes de carbone (par hectare et par an) dans les sept premières années à 5 tonnes de carbone (par hectare et par an) au bout de vingt-cinq ans. Cette réduction s'explique par la diminution du stock de matières organiques disponibles dans les sols.
L'étude montre que les tourbières converties en terres cultivables dans l'hémisphère nord ont émis 72 milliards de tonnes de carbone entre les années 850 et 2010, dont 40 milliards entre 1750 et 2010. La moitié seulement de ces émissions est compensée par l'absorption du carbone par les tourbières restées intactes.
Ces résultats montrent que les émissions de carbone historiques causées par les changements d'usage du sol ont été significativement sous-estimées et ils apportent de nouvelles données pour mieux évaluer aujourd'hui le budget carbone à l'échelle mondiale et réduire les incertitudes des modèles climatiques globaux.
Ces travaux, pilotés par l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement et le LSCE, ont été réalisés en collaboration avec le CNRS, l'Université Paris-Saclay, AgroParisTech et l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines.