L'été 2018 a vu la plus grande superficie jamais atteinte en Europe par une sécheresse extrême. Des records de température ont été battus dans de nombreuses régions d'Europe centrale et au Royaume-Uni, des incendies ont éclaté dans les pays nordiques et plusieurs pays ont été touchés par de mauvaises récoltes.
Les chercheurs ont étudié les échanges de carbone entre la végétation et l'atmosphère sur de nombreuses régions européennes, allant de l'Espagne à la Finlande et du Royaume-Uni à la République tchèque.
Selon leurs observations, les plantes ont d'abord profité de conditions chaudes et ensoleillées au printemps 2018 mais lorsque la canicule estivale a frappé, elles n'avaient plus assez d'eau à disposition de leurs racines. Les prairies ont alors bruni, provoquant une pénurie de fourrage pour le bétail, et de nombreuses cultures ont été perdues, entraînant des pertes financières pour le secteur. « Plusieurs études montrent que la sécheresse du sol a affecté les plantes encore plus que, par exemple, la température élevée et l'humidité de l'air », remarque Philippe Ciais, chercheur au LSCE.
À l'échelle européenne, les forêts ont mieux résisté au stress hydrique en réduisant leur évaporation et leur croissance. Ce mécanisme a entraîné une diminution de l'absorption du CO2 atteignant 18 % selon une étude portant sur 56 sites de mesures de flux gazeux. « On observe aussi ce signal dans les données du réseau ICOS qui couvre toute l'Europe, avec un minimum estival en CO2 atmosphérique moins marqué que les autres années », souligne Michel Ramonet, chercheur au LSCE.
Il arrive même que la sécheresse transforme certains écosystèmes en puits de carbone ! Les tourbières ré-humidifiées au cours du printemps ont semblé mieux survivre en été pendant la sécheresse grâce notamment à la croissance de nouvelles plantes. C'est une bonne nouvelle, car la ré-humidification des tourbières est l'une des mesures de restauration des écosystèmes envisagées en Europe du Nord pour atténuer les conséquences du changement climatique.
Ces études montrent enfin que la réaction de la végétation à un été extrêmement sec dépend fortement des conditions du printemps et même de l'hiver précédents. Dans certaines régions européennes, l'hiver 2018 a laissé beaucoup d'humidité dans le sol tandis que le printemps ensoleillé et précoce entraînait une croissance de la végétation supérieure à la moyenne, absorbant plus de carbone atmosphérique que d'habitude. Dans certains endroits, cette croissance printanière précoce a suffi à compenser la réduction de l'absorption de carbone plus tard en été.
Les 17 études ont mobilisé plus de 200 scientifiques qui, selon Léonard Rivier, directeur du centre atmosphérique de ICOS et chercheur au LSCE, « ont eu un échange de données ouvert pendant le processus, ce qui a permis d'obtenir des ensembles de données uniques, disponibles en libre accès sur le portail carbone d'ICOS. »