Les organoïdes cérébraux, ou cérébroïdes, sont constitués d’amas de cellules de plusieurs millimètres issues de cellules souches capables de se différencier et de reproduire la structure de certaines parties d’un cerveau humain. Ces « mini-cerveaux », obtenus à partir de cellules souches pluripotentes induites (IPS) permettent d’étudier, entre autres, le comportement cellulaire dans le cas de maladies neuro-dégénératives, comme Alzheimer ou Parkinson.
Toutefois, la rigueur des études scientifiques impose l’utilisation d’échantillons comparables les uns avec les autres : les contrôles doivent être isogéniques, c’est-à-dire partageant le même patrimoine génétique. Des chercheurs du CEA-Jacob, en collaboration avec CellTechs (Sup'Biotech), et le laboratoire Gly-CRRET (UPEC), ont ainsi utilisé une stratégie permettant de développer des organoïdes cérébraux isogéniques (contrôles vs pathologiques) pour l'étude d'une forme génétique de démence fronto-temporale (DFT).
Certaines formes génétiques de DFT sont liées à une mutation du gène codant pour la protéine tau, qui s'accumule et forme des inclusions toxiques entraînant la dégradation des neurones. Cette tauopathie est intéressante pour les chercheurs dans la mesure où elle est proche de celle observée dans la maladie d'Alzheimer.
Afin de développer des cérébroïdes humains de DFT tauopathiques, les scientifiques ont génétiquement modifié des cellules souches pluripotentes induites humaines, donc capables de se différencier de différentes manières. Ils ont pour cela utilisé des plasmides (molécules d'ADN distinctes de l'ADN chromosomique) capables de se répliquer et permettant à un transgène de s’exprimer au sein de la cellule. Les équipes ont ainsi créé des organoïdes cérébraux issus de deux lignées de cellules souches isogéniques, l’une surexprimant une forme normale du gène codant pour la protéine tau, l’autre surexprimant la forme mutée (P301S) de ce même gène.
Les auteurs ont montré que l'organoïde reproduisait les premières étapes de la DFT dans un modèle d'étude complexe humain. Cette méthodologie pourra à terme être utilisée pour d'autres pathologies génétiques afin de créer des modèles isogéniques. D’après les chercheurs, cette stratégie est simple à concevoir, polyvalente, et ouvre de nouveaux horizons dans l'utilisation des cellules souches et des organoïdes humains pour la modélisation in vitro, la médecine personnalisée et l'expérimentation de nouvelles thérapeutiques.