CTA réunira sur deux sites, l'un dans l'hémisphère nord et l'autre au sud, plusieurs dizaines de télescopes de dimensions imposantes (miroirs de diamètres 23, 12 et 4 mètres). Les réseaux d'instruments occuperont une surface d'un et dix kilomètres carrés respectivement et recueilleront la lumière bleutée produite par les particules issues de l'interaction de rayons gamma avec l'atmosphère. À la différence de grands télescopes « classique » comme le VLT (Very Large Telescope), CTA ne requiert pas une aussi haute qualité d'atmosphère et ses innombrables miroirs ne seront pas protégés de très rares, mais inévitables, intempéries.
Des maquettes à « poser »
« Il a d'abord fallu imaginer à quoi ressembleront les ensembles de télescopes, ainsi que les bâtiments et équipements nécessaires à leur exploitation, se souvient Thierry Stolarczyk, chargé en 2012-2014 d'une analyse comparative d'infrastructures des douze sites candidats pour accueillir CTA. Au bout d'un an, les maquettes nord et sud étaient définies et nous avons ensuite entrepris de les poser par la pensée sur chacun des sites. » Comment installer à moindre coût une très grande infrastructure scientifique dans un environnement naturel, loin de tout, pour la meilleure science possible ?
Sur le terrain
Les études de terrain ont été déléguées à l'entreprise Ingerop. Un géologue a parcouru les douze sites candidats, contrôlé la topologie (platitude, accidents de terrain) et l'hydrologie. Il a analysé la nature du sol et du sous-sol, celle-ci contraignant fortement les coûts de construction des routes d'accès, des fondations des bâtiments et des télescopes. Sur tous les sites, le risque sismique a été analysé grâce aux archives et le surcoût, finalement modeste, a été évalué. L'équipe a également chiffré la fourniture de l'eau, de l'électricité de puissance, notamment pour le pointage rapide des grands télescopes, la connexion à Internet, la disponibilité de main d'œuvre et sa qualification, les réglementations et taxes, la desserte du site (port, chemin de fer), la proximité de services (usine à béton, hôpitaux, etc.).
Des expériences tests
L'évaluation des sites s'est également appuyée sur diverses mesures en continu. Sur chacun d'entre eux, des sortes de tours météo, surnommées « atmoscopes », ont été installées. L'effet de la grêle sur les miroirs a, quant à lui, été testé en laboratoire avec une pluie de billes d'acier. Des miroirs ont également été installés in situ. « Il est ainsi apparu que sur certains sites, les rares tempêtes de sable ou les tornades faisaient peser un risque, en dépolissant les miroirs, détaille Thierry Stolarczyk, et grâce aux caméras des atmoscopes, nous avons pu affiner la fréquence des passages nuageux, site par site. »
La foudre, les aérosols atmosphériques ou les températures extrême ont pu être analysés via les archives des bulletins météo et des images satellitaires.
Pour la meilleure science
Les observations elles-mêmes ont fait l'objet de simulations numériques comparatives sur la « grille » (Grid), avec 40 000 « cœurs » mobilisés pendant des semaines. Pour chacun des sites, la chaîne entière a été décrite, depuis le rayon gamma jusqu'au détecteur, en fonction de paramètres locaux tels que la qualité de l'air, le champ magnétique terrestre, la latitude ou l'altitude. Les sites aux altitudes les plus élevées se sont avérés moins performants car l'interaction à l'origine de la lumière Tcherenkov pouvait se produire trop près du détecteur.
Nuages, éclairs, aérosols affectent la durée et la qualité d'observation, tout comme les lumières parasites provenant de sites touristiques (Meteor Crater) ou de villes (La Palma). « Nous disposons au départ de l'ordre de trois semaines par lunaison, la pleine lune étant rédhibitoire, détaille le physicien, soit environ 1000 heures par an pour les meilleurs sites mais nous espérons pousser à 1200 ou 1400 heures en observant des ciels plus lumineux grâce à un traitement de données plus performant, une activité dans laquelle l'Irfu a une contribution majeure. »
Une grande infrastructure à exploiter
Une fois construit, CTA devra être exploité pendant près de trente ans, ce qui représente un poids financier similaire à l'investissement initial. Il a donc été nécessaire d'étudier les risques économiques à long terme (inflation en particulier) en s'appuyant sur l'expertise de compagnies spécialisées. Les infrastructures de santé et de recherche à proximité ont également été examinées en détail. Dans ce contexte, le site de Paranal (Chili) a pu capitaliser sur l'environnement favorable mis en place par l'ESO (European Southern Observatory) pour le VLT et l'ELT (Extremely Large Telescope).
« En 2014, l'ensemble des études d'infrastructures a été agrégé à des analyses portant sur la géopolitique et la qualité de l'air, raconte Thierry Stolarczyk. Les critères ont été classés et pondérés au cours d'un huis clos de plusieurs jours, rassemblant les acteurs de ces investigations, avant d'être transmis à un comité international, extérieur à CTA, qui a finalement tranché. Quelle aventure extraordinaire… ». À partir de ce moment, les négociations avec les pays et les observatoires concernés, en particulier l'ESO, pouvaient commencer !
Sept sites au sud
- Namibie : Gamsberg (H.E.S.S.) et Aar
- Argentine : El Leoncito (deux sites), San Antonio de Los Cobres
- Chili : un site près de l'ELT, un autre près du VLT (Paranal)
Cinq sites au nord
- Espagne (Îles Canaries) : Tenerife, La Palma
- États-Unis (Arizona) : Meteor Crater, Yavapai Ranch
- Mexique : San Pedro Martir