Avec 41 paires de protons et 63 paires de neutrons, le noyau de plomb 208 est le dernier et le plus lourd des noyaux très stables, dits « doublement magiques », dans lesquels les « couches » de protons et de neutrons, disposées comme dans un oignon, sont toutes complètes. Ce noyau a cependant une forme de poire (et pas d'oignon !), qui est associée à la symétrie octupolaire des oscillations de ses nucléons (phonons). Avec seulement un neutron de moins, le plomb 207 se distingue du plomb 208 par l'existence d'un neutron « célibataire », sur l'une de ses couches internes.
L'expérience réalisée par des physiciens nucléaires au Ganil révèle que le noyau de plomb 207 adopte la même forme de poire que le plomb 208 et présente le même mode d'oscillation collective de ses nucléons (phonon octupolaire). Tout se passe comme si les nucléons ondulaient à la manière d'une ola de supporters, avec plus ou moins d'enthousiasme selon le comportement du neutron esseulé.
Quand le plomb 207 reçoit de l'énergie, deux voies permettent de dissiper une quantité d'énergie du même ordre de grandeur : un nucléon individuel peut être porté dans un état d'énergie élevé et/ou l'ensemble des nucléons peut être excité et osciller collectivement à la même fréquence (phonon). C'est pourquoi ces deux processus peuvent s'influencer mutuellement et se coupler.
Si le neutron célibataire occupe une orbite de bas spin, le couplage conduit à une atténuation du phonon octupolaire, largement documentée par des expériences. À l'inverse, s'il occupe une orbite de grand spin, les physiciens s'attendent à une amplification du phonon.
Dans une expérience menée au Ganil auprès des spectromètres Agata et Vamos, une équipe de chercheurs a observé pour la première fois le mode de couplage à grand spin du phonon octupolaire.
Bien que le plomb 207 soit un noyau stable, il a fallu plusieurs décennies aux physiciens pour trouver la réaction la plus efficace pour produire l'état excité recherché. Ils ont finalement sélectionné la collision d'ions lourds de plomb 207 sur une cible de molybdène 100. Grâce à Vamos, ils ont pu identifier par sa masse le plomb 207 formé. Une prouesse qu'aucun autre appareil n'est capable d'accomplir. Enfin, la sensibilité exceptionnelle du spectromètre Agata leur a permis de mesurer le léger décalage en énergie correspondant à la décroissance de l'état étudié et d'en déduire son temps de vie.
Ces travaux ont été réalisés en collaboration avec le Centre de sciences nucléaires et de sciences de la matière (Orsay) et l'Université de Canberra (Australie).