Le déficit en transporteur de la créatine est une maladie métabolique et génétique rare qui conduit à des troubles de la sphère autistique, des déficits intellectuels moyens à profonds, des troubles majeurs de la communication et du développement, notamment psychomoteur. Nombre d'enfants sont également affectés par des crises d'épilepsie. Cette pathologie décrite au début des années 2000 pourrait représenter 1 à 2% des retards mentaux d'étiologie inconnue. Si cette maladie reste rare, plusieurs indicateurs montrent qu'elle est encore largement sous-diagnostiquée. C'est une pathologie très invalidante, qui affecte majoritairement les garçons, et ne bénéficie d'aucune solution thérapeutique. Elle est due à une altération génique dont la transmission est héréditaire et qui entraine l'absence de fonctionnalité du transporteur de la créatine (SLC6A8), impliqué dans les boucles de régulation de l'énergie cellulaire.
La stratégie de recherche repose sur le développement d'un médicament à visée pédiatrique avec des exigences de qualité pharmaceutique qui mènerait à une augmentation de la créatine cérébrale chez l'enfant malade afin de réduire voire supprimer ses troubles neuro-cognitifs. Un tel médicament pourrait également aider ou soigner les adultes affectés.
Depuis plusieurs années, deux équipes du CEA-Joliot travaillent à l'élaboration de prodrogues originales de créatine possédant des propriétés pharmacologiques permettant de les envisager comme potentiels candidats médicaments. En 2015, les chercheurs décrivaient une stratégie thérapeutique in vitro basée sur l'utilisation d'un ester-dodécyclique de créatine (EDC) incorporé dans des nanocapsules lipidiques (Trotier-Faurion, 2015).
Dans la présente étude, l'innovation thérapeutique se situe dans la formulation galénique originale sous la forme d'une micro-émulsion comme système de délivrance de l'EDC. L'EDC ainsi protégé peut être administré par voie nasale; cela a été testé chez des souris ; il va « court-circuiter » la barrière hémato-encéphalique et être adressé, par transport rétrograde via les nerfs olfactifs et trijumeaux, aux cellules parenchymateuses des aires cérébrales dans lesquelles il pourra pénétrer par voie passive. L'ester sera ensuite clivé par les enzymes intra-cellulaires et la créatine sera libérée (voir schéma).
L'administration intranasale de ces microsphères au modèle animal s'accompagne d'une augmentation des taux de créatine dans le striatum, le cervelet, l'hippocampe et le cortex. Une amélioration des fonctions cognitives mesurées par le test de reconnaissance de nouvel objet (NOR) est également observée chez les animaux traités. Dans le striatum, une augmentation de la transcription de gènes codant pour des marqueurs impliqués dans les fonctions post-synaptiques, la plasticité neuronale, la formation des processus mnésiques et la neuroprotection a été mise en évidence.
L'ensemble de ces résultats confirme le potentiel de l'ester dodécylique de créatine dans le traitement du déficit en transporteur de la créatine. Les futures étapes consisteront en des développements précliniques et cliniques qui devraient, à terme, conduire à un médicament qui soulagera les enfants malades et leurs familles.
A. Illustration du transport rétrograde via les nerfs olfactifs et trijumeaux des microsphères d'ester-dodécylique de créatine administrées par voie nasale (CBT001). B. Entrée de l'ester-dodécylique de créatine dans les neurones, clivage enzymatique et libération de la créatine. C. Amélioration des fonctions cognitives © A.Mabondzo/CEA