Les suspensions colloïdales à base de feuillets nanométriques chargés électriquement peuvent former des phases liquides structurées appelées cristaux liquides. De telles phases avec des nanofeuillets d'oxyde de graphène ou d'argiles font l'objet d'applications industrielles dans des secteurs aussi variés que l'électronique, l'agroalimentaire, l'industrie pétrolière, la catalyse, l'architecture ou la lubrification. Une question cependant reste ouverte : la phase lamellaire existe-t-elle ?
Les chercheurs de la DRF ont étudié quant à eux, des nanofeuillets d'acide phosphatoatimonique (H3Sb3P2O14) et ont pu observer et identifier trois phases distinctes :
- isotrope, sans ordre particulier,
- nématique, dans laquelle tous les nanofeuillets sont approximativement parallèles,
- lamellaire où ils s'auto-assemblent en formant des couches équidistantes.
La phase lamellaire revêt une importance particulière parce qu'elle se prête à la compartimentation de liquides, comme les membranes du vivant, formées par auto-assemblage de molécules en couches. Or il était jusqu'à présent très difficile de distinguer expérimentalement les phases nématique et lamellaire pour des nanofeuillets de diamètre supérieur à cent nanomètres.
Grâce à de nouveaux instruments de diffusion de rayons X aux petits angles des synchrotrons ESRF (European Synchrotron Radiation Facility), à Grenoble, et Soleil, à Gif-sur-Yvette, les chercheurs sont parvenus à identifier sans ambiguïté les deux phases nématique et lamellaire dans des suspensions de nanofeuillets en H3Sb3P2O14. Ils ont de plus observé pour la première fois la coexistence des trois phases dans le même échantillon, en prouvant que leurs structures sont différentes. Plus précisément, le diamètre des assemblages de nanofeuillets en couches est supérieur à vingt microns, ce qui signifie que chaque couche est constituée d'au moins mille nanofeuillets auto-assemblés dans un même plan.
Ce projet a été réalisé en collaboration avec le Laboratoire de physique du solide de l'Université Paris Saclay (Orsay), avec le soutien de l'ERC, de l'ANR et du programme transversal nanosciences du CEA.