La spintronique se distingue de l'électronique par l'exploitation du spin des électrons. Elle utilise classiquement des matériaux ferromagnétiques qui permettent de polariser en spin un courant électrique et donc, de produire de la « magnétorésistance ». Ainsi, l'état magnétique du système peut piloter sa résistance et, à l'inverse, il peut être modifié par « transfert du moment de spin » porté par le courant électrique. Ce sont les principes à la base des mémoires magnétiques actuelles, à la fois non volatiles, compactes et rapides.
Depuis quelques années, l'intérêt des chercheurs s'est porté sur le « couplage spin-orbite » qui permet de générer des courants de spin, cette fois dans des matériaux non magnétiques. Ce mécanisme pourrait révolutionner les mémoires magnétiques, les générateurs micro-ondes ou les opérateurs logiques basés sur le spin.
Plus concrètement, à l'interface entre des couches de titanate de strontium (SrTiO3) et d'aluminate de lanthane (LaAlO3), il existe un système bidimensionnel d'électrons, dans lequel on observe justement un couplage spin-orbite, dit « couplage Rashba ». Les physiciens de l'Inac ont utilisé une technique permettant de générer un courant de spin par la mise en précession de l'aimantation d'un alliage de nickel et de fer, en contact « tunnel » avec le système d'électrons bidimensionnel. Ce procédé s'est avéré particulièrement intéressant pour convertir le courant de spin injecté en un courant de charges transverse, via le couplage Rashba. La conversion obtenue est remarquable par son efficacité, mais également parce qu'elle est modulable en amplitude et en signe par une grille électrostatique.
Cette démonstration ouvre la voie notamment à la recherche de nouvelles sources de courant de spin modulable, voire même de « transistors à spin », car il est en principe possible de réaliser l'opération inverse.
Ce travail est le fruit d'une collaboration entre deux équipes de l'Inac et de l'unité mixte de Physique CNRS Thales, à Palaiseau (Université Paris Sud, CNRS, Thales).