Les plantes disposent de nombreux mécanismes d'adaptation aux conditions environnementales, notamment à la carence ou, au contraire, à l'excès de lumière. Dans ce dernier cas, la production d'espèces réactives de l'oxygène (ERO)[1] augmente de façon drastique, devient bien supérieure aux besoins de la plante et s'avère nocive. Comment la plante fait-elle pour les éliminer? « Une famille d'enzymes, les glutarédoxines (GRXs), jouerait un rôle dans ce processus », raconte Pascal Rey, biologiste au CEA-IBEB.
L'une de ces glutarédoxines, nommée GRXS17, est supposée intervenir dans l'équilibrage (homéostasie) du fer. Car le fer est nécessaire au bon déroulement de plusieurs processus biologiques comme la photosynthèse ou la respiration, mais il peut aussi générer des ERO s'il est présent en trop grandes quantités. Par ailleurs, GRXS17 pourrait, en fonction de la concentration en ERO, modifier l'activité biochimique de ses partenaires par un transfert d'électron (signal redox).
Contrairement à ce qui était attendu, les chercheurs ont découvert que des mutants dépourvus de GRXS17 chez l'espèce végétale modèle Arabidopsis thaliana affichent une croissance anormale et ne développent pas de fleurs lorsqu'ils sont exposés à la lumière pendant au moins 16 heures par jour (ce qui correspond à un excès de lumière). En outre, leur croissance s'arrête lorsque la température dépasse 24°C. De façon étonnante, la déficience de GRXS17 dans les plantes n'a pas entraîné de changements majeurs concernant l'homéostasie du fer. « Nous avons alors conclu que cette enzyme joue plutôt un rôle fin dans la transmission d'un signal redox en fonction des conditions de l'environnement telles la durée de la période lumineuse ou la température », poursuit Pascal Rey.
« Des essais de biochimie et l'analyse d'autres mutants ont ensuite révélé que GRXS17 pourrait transmettre un signal redox à une protéine[2] régulant l'expression de gènes liés au développement floral. » Ainsi, cette enzyme ne jouerait pas un rôle de détoxication comme attendu, mais de messager dans le contrôle de la floraison. En participant à un mécanisme de « mesure » de la durée journalière d'ensoleillement, elle régulerait le déroulement du cycle de floraison en favorisant l'initiation florale au bon moment, c'est-à-dire lorsque la durée du jour s'allonge au printemps.
Plantes d'Arabidopsis thaliana de type sauvage (à gauche) et déficiente en glutarédoxine S17 (à droite) cultivées sous une période lumineuse de plus de 16 heures par jour. L'absence de GRXS17 entraîne une inhibition du développement de la hampe florale alors que ce développement est normal sous une période lumineuse de 8 heures par jour. (c) P. Rey, CEA.
Localisation subcellulaire de la glutaredoxine S17 (GRXS17) dans des protoplastes de cellules foliaires d'Arabidopsis thaliana. La fluorescence verte indique la présence de GRXS17 dans le cytosol et le noyau. La fluorescence rouge provient de la chlorophylle et révèle les chloroplastes. (c) R.Scheibe, University of Osnabrück.
[1] Espèces chimiques oxygénées telles que des radicaux libres, des ions oxygénés et des peroxydes, rendus chimiquement très réactifs par la présence d'électrons non appariés.
[2] NF-YC11/NC2α