Vous êtes ici : Accueil > Actualités > Alzheimer : l’eau comme diagnostic précoce ?

Résultat scientifique | Biologie structurale | Alzheimer

Alzheimer : l’eau comme diagnostic précoce ?


Le mouvement de l'eau dans le cerveau, en particulier à l'intérieur des neurones, pourrait servir de marqueur précoce de la maladie d'Alzheimer. Explications.

Publié le 28 avril 2015

La maladie d'Alzheimer se caractérise par une perte progressive du volume neuronal, ainsi que par une accumulation de protéines anormales à l'intérieur (tau) et à l'extérieur des neurones (peptide Ab). Ces protéines forment des fibres dites amyloïdes, envahissant l'intérieur et l'extérieur des cellules neuronales et les « étouffant » jusqu'à leur destruction. Ces empreintes de la maladie apparaissent très tôt, mais sont difficilement détectables. Des chercheurs de l'Institut de Biologie Structurale (IBS, Grenoble), en collaboration avec l'Institut Laue Langevin (Grenoble), le centre de recherche de Jülich, le Laboratoire des Matériaux et du Génie Physique (Grenoble) et l'Université de Californie, ont mis en évidence que le mouvement des molécules d'eau pourrait constituer un marqueur indirect de la présence de fibres amyloïdes tau.

Cette hypothèse vient d'observations faites par la diffusion de neutrons, une technique spectroscopique capable de repérer des atomes d'hydrogène et mesurer ainsi l'amplitude du mouvement des molécules d'eau à l'échelle nanométrique. Les chercheurs ont tout d'abord créé artificiellement des fibres in vitro par ajout d'héparane sulfate, un polysaccharide complexe dont les groupes sulfates sont connus pour déclencher l'agrégation des protéines tau entre elles. Ayant pour objectif d'observer le mouvement de l'eau, ils ont du « masquer » l'hydrogène de la protéine tau et de l'héparane sulfate en l'échangeant par un de ses isotopes le deutérium. Pour cette dernière, les chercheurs ont utilisé une technologie récemment développée par C.Laguri et H. Lortat-Jacob à l'IBS, qui permet de sulfater chimiquement un polysaccharide produit par fermentation bactérienne en milieu deutéré. « Nous avons ensuite comparé des expériences de diffusion neutronique sur des protéines tau normales d'une part, et sur des fibres pathologiques d'autre part, explique Martin Weik, responsable d'équipe à l'IBS. En outre, nous avons pu discriminer les mouvements de l'eau au voisinage du cœur de la fibre de ceux en périphérie, dans une structure souple appelée « fuzzy coat ». » Résultats : l'eau s'avère beaucoup plus mobile dans les fibres amyloïdes que sur les protéines tau non agrégées. « L'accélération concerne 25 % des molécules d'eau, précise Yann Fichou, premier auteur de la publication. Et nous avons montré par des calculs de dynamique moléculaire qu'elle a lieu dans le « fuzzy coat » et non au niveau du cœur de la fibre. »

Selon les chercheurs, l'augmentation de la mobilité des molécules d'eau influerait sur le développement des fibres amyloïdes par un effet dit de « stabilisation entropique ». Cet effet thermodynamique favoriserait l'agrégation de la protéine tau, aux dépens de l'état normal (non agrégé), a priori plus stable. « Il faudrait maintenant suivre le mouvement de l'eau durant le processus de formation des fibres, souligne Martin Weik. Il serait intéressant de savoir si la propension à former ces fibres peut être modulée par la dynamique des molécules d'eau. »

Ces résultats ouvrent un nouveau champ de connaissances dans la compréhension de la pathologie d'Alzheimer. Cette fluidité accrue révèle en effet la formation de fibres pathogènes et pourrait servir de marqueur précoce de la maladie. Comment ? En se basant sur le savoir-faire d'autres chercheurs de la DSV, qui ont développé un type d'IRM fonctionnel basé sur la diffusion des molécules d'eau. « Nous avons contacté l'équipe de Denis le Bihan, à NeuroSpin, indiquent les chercheurs de l'IBS. Nous allons collaborer. Il s'agit d'une réelle opportunité pour développer un outil diagnostic inédit. »

Haut de page

Haut de page