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Déficit en transporteur de la créatine : à l’aube d’une nouvelle stratégie thérapeutique


Des chercheurs du CEA-IBITECS ont breveté des composés prometteurs contre une forme – à ce jour sans traitement – du déficit en créatine, maladie rare impliquant des retards mentaux sévères. Après avoir optimisé des vecteurs protégeant ces composés durant leur transport jusqu’au cerveau, ils s’apprêtent à lancer des essais pré-cliniques. ​

Publié le 9 avril 2014

​La créatine, un dérivé d’acides aminés provenant à la fois de la nourriture et de la synthèse par l’organisme, intervient dans la constitution des réserves énergétiques des muscles et du cerveau. Son déficit au niveau cérébral se traduit par des retards mentaux sévères affectant en particulier le langage, ainsi que des troubles du comportement et parfois de l’épilepsie. Chez une minorité de patients, la créatine est synthétisée normalement mais la maladie provient d’un défaut de son transporteur intracérébral. Ce dernier est une protéine transmembranaire spécifique chargée de la faire pénétrer dans les neurones et les cellules gliales[1]. Les traitements à base de monohydrate de créatine ou d’acides aminés précurseurs, disponibles pour les déficits de synthèse, sont alors inefficaces.

Deux équipes du CEA-IBITECS (SPI/SCBM) ont eu l’idée de contourner les transporteurs déficients en synthétisant des précurseurs inactifs de créatine capables de pénétrer dans les cellules cibles puis d’y être transformés en créatine active. Les chercheurs ont imaginé et synthétisé des esters de créatine munis d’une longue chaîne lipophile. C’est cette dernière qui permet à l’ensemble de traverser la membrane lipidique de la cellule sans l’aide du transporteur spécifique. Arrivés dans les neurones et les cellules gliales, les esters sont clivés par des enzymes, les estérases. La créatine, libérée, peut alors exercer son activité physiologique. Le plus intéressant de ces composés, l’ester dodécylique[2] de créatine, a prouvé sa capacité à pénétrer dans des cellules de peau prélevées sur des patients atteints de la maladie et qui présentent elles aussi le déficit en transporteur. Les chercheurs ont également démontré qu’il est effectivement converti en créatine par les estérases. L’équipe a donc déposé un brevet européen, accordé en février 2014, couvrant les esters de créatine, leur voie de synthèse originale et leurs applications.

Restait cependant à amener ces composés intacts jusqu’au cerveau. Les chercheurs ont donc mis au point et publié une double stratégie permettant, dans un premier temps, de protéger les précieux esters durant leur transport par voie sanguine puis, dans un deuxième temps, de les libérer dans le cerveau de manière à ce qu’ils pénètrent dans les cellules cibles. Pour cela, les esters de créatine sont englobés dans des nanocapsules lipidiques biocompatibles qui ne les relarguent qu’une fois passée la barrière hématoencéphalique. L’équipe prépare actuellement des essais pré-cliniques sur des rongeurs modèles de la maladie, en collaboration avec les universités d’Angers et de Cincinnati (Etats-Unis).


[1] Longtemps considérées comme de simples supports de neurones, les cellules gliales jouent en réalité un rôle fonctionnel important qui explique la physiologie cérébrale ainsi que la physiopathologie de certaines maladies.
[2] sa chaîne lipophile comprend douze atomes de carbone


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