La première série d’expériences Matiss, de novembre 2016 à mai 2017, a été pilotée par Thomas Pesquet. Elle consistait à placer dans l’ISS plusieurs lamelles de verre de 22 mm de large fixées sur des portoirs, et recouvertes d’un revêtement hydrophobe.
Une 5e génération de surfaces en développement
Or, les bactéries ont besoin d’eau pour s’accrocher aux surfaces, proliférer et s’agréger pour former des biofilms très résistants au lavage. Ce processus devenait donc impossible. Les bactéries restaient en suspension et finissaient piégées dans les filtres du système d’aération.
Le CEA-Leti était à l’origine de ce premier revêtement intelligent anti-bactéries. Il élabore aujourd’hui une 5e génération qui rejoindra l’ISS en juin 2023. Quant à la 4e génération, elle vole depuis six mois et reviendra sur Terre d’ici peu.
Le nettoyage, c’est 10% du temps des astronautes !
C’est un projet au tempo particulier, note Guillaume Nonglaton, responsable de Matiss au CEA-Leti. Nous développons chaque nouvelle génération de surfaces sans avoir le retour d’expérience de la précédente. Nos collègues de l’ENS doivent d’abord étudier la biocontamination des lamelles, ce qui nécessite des mois. »
Pour les occupants de l’ISS, dont le métabolisme produit naturellement des bactéries, le risque de prolifération est à prendre très au sérieux. Ils s’astreignent d’ailleurs à des nettoyages réguliers qui peuvent mobiliser jusqu’à 10% de leur temps !
Associer surfaces hydrophobes et hydrophiles
Les surfaces anti-bactéries devraient à terme leur alléger la tâche, en particulier dans les zones difficiles d’accès. Elles ne sont pas forcément inspirées de solutions « terrestres » : la microgravité qui règne dans l’ISS change la donne, par exemple pour la cinétique de déplacement des bactéries. D’où la nécessité de créer ces revêtements d’un nouveau genre.
Le CEA-Leti a travaillé au fil du temps sur des surfaces hydrophobes, puis sur des surfaces mixtes majoritairement hydrophobes, traversées par des lignes ou des cercles hydrophiles : la prolifération bactérienne y est fixée sans pouvoir se développer.
Un agent chimique déposé en couche nanométrique
Le traitement de surface proprement dit consiste à déposer sur le verre un agent chimique en couche nanométrique. À terme, cet agent pourra aussi protéger les vastes surfaces en acier et en aluminium qui garnissent l’intérieur de l’ISS. Les chercheurs ont testé au départ des composés fluorés. En collaboration avec Yoann Roupioz (CNRS), ils se tournent maintenant vers des solutions bio-inspirées, sans matériaux toxiques ni nanoparticules.
Nous travaillons en particulier sur des surfaces super hydrophiles à base de peptides à action antibactérienne, explique Guillaume Nonglaton. Elles ne sont jamais totalement sèches, ce qui n’attire pas les bactéries. Et si celles-ci s’y déposent malgré tout, elles sont éliminées. » Le retour d’expérience sur cette nouvelle piste sera connu en 2025.