Le pancréas artificiel, où en est-on aujourd’hui ?
Les pompes à insuline, puis les capteurs de glycémie (CGM) qui mesurent la glycémie en continu, ont représenté des progrès importants. Mais la pompe étant un système « en boucle ouverte », il incombe toujours au patient de déterminer lui-même la dose d’insuline à injecter. À l’inverse, le pancréas artificiel est un système « en boucle fermée » qui délivre l’insuline automatiquement, en fonction du taux de glycémie mesuré par le capteur. Le tout premier prototype remonte aux années 70 mais c’est seulement depuis quelques années que la recherche est entrée dans une phase avancée. « Plusieurs consortiums internationaux développent des projets. Certains font déjà l’objet d’essais en-dehors de l’hôpital, auprès d’adultes ou d’enfants. Mais à ce jour, aucun n’est encore sur le marché et Diabeloop est le seul projet de pancréas artificiel français. Une de ses originalités est d'intégrer une boucle de télémédecine, c'est-à-dire une approche de service au patient qui va bien au-delà du développement d’un objet », explique le Pr Eric Renard, coordinateur du département d'endocrinologie, diabète, nutrition au CHU de Montpellier et membre du conseil scientifique de Diabeloop.
Diabeloop, un pancréas artificiel avec un encadrement humain
Traitement électronique du diabète, Diabeloop s’appuie sur des briques technologiques existantes qui forment un tout et jouent le rôle d’un véritable pancréas artificiel. La première phase du projet a été lancée en 2011 par le CERITD en partenariat avec le Leti, institut de CEA Tech, leader en microélectronique et micro et nanotechnologies sur la scène internationale. Les résultats étant positifs, la SAS Diabeloop a été créée pour préparer la mise sur le marché et, le 22 juillet 2015, Diabeloop et le CEA-Leti ont créé un laboratoire commun pour développer le pancréas artificiel.
Le système comprend un appareil de mesure continue du glucose (MCG) Dexcom collé sur le ventre, connecté via Bluetooth à un smartphone dédié qui permet l’interface avec le patient et comporte un algorithme complexe, personnalisé, qui détermine les doses d’insuline en fonction de l’historique et de la physiologie de chacun. Ce « smartphone » commande la pompe à insuline « patch » Cellnovo. Les informations sont transmises en permanence à un service de télémédecine spécialisé qui peut intervenir à tout moment si besoin, en coordination avec le diabétologue du patient.
« L’algorithme prévoit ce qui va se passer de façon bien plus fiable que ne le ferait le patient seul. Pour un traitement encore plus précis, ce dernier peut améliorer cette prévision en « prévenant » la machine, si possible 2h à l’avance, lorsqu’il va manger ou pratiquer un exercice physique particulier », détaille le Dr Guillaume Charpentier, Président de Diabeloop et du CERITD.
Un solide programme d’études cliniques
Après des études à l’hôpital qui ont validé l’intérêt du système, les essais « en vie réelle » commencent début 2016 avec la participation de 10 CHU. Puis, en 2017, une étude évaluera Diabeloop auprès de 100 patients qui le porteront trois mois à domicile, en vue de l’obtention du marquage CE. La commercialisation en Europe pourrait ainsi débuter fin 2017.
En 2018, une étude comparative de supériorité par rapport aux traitements existants sera menée auprès de 200 patients pendant un an pour obtenir le remboursement en 2019. « Les premiers patients qui pourront en bénéficier sont les diabétiques de type 1 adultes qui ne parviennent pas à équilibrer leur taux de glycémie malgré un schéma basal / bolus bien suivi », précise le Dr Guillaume Charpentier.
La haute technologie française au service du patient
Diabeloop a pour partenaire le CEA-Leti, l’un des trois instituts de recherche avancée au sein de la Direction de la recherche technologique du CEA qui fait le lien entre la recherche fondamentale et la production de micro et nanotechnologies améliorant la qualité de vie. Une équipe d’une douzaine de chercheurs travaillent à temps plein sur le projet Diabeloop. Leur rôle est notamment d’améliorer encore la précision de l’algorithme au coeur du système : en prenant encore mieux en compte la variation sur 24h de la sensibilité à l’insuline, l’impact des repas, de l’activité physique, des émotions et du stress.
Les industriels Dexcom et Cellnovo qui fabriquent le lecteur et la pompe ont été associés dès le début au développement du projet. « Nous avons retenu le lecteur de glycémie en continu Dexcom, un des meilleurs capteurs sur le marché, et la pompe Cellnovo, une pompe « patch » sans tubulure plus petite que les pompes concurrentes, qui constitue une véritable avancée pour les patients », souligne le Dr Guillaume Charpentier. En tant que start-up « Medtech » (technologies de la santé), Diabeloop a bénéficié du financement de l’Initiative French Tech. Elle a été récompensée par le prix « Biovision Catalyzer Award 2015 » lors de la 10ème édition du forum Biovision.
Que réclament les patients atteints de diabète de type 1 ?
Parmi les 738 adultes diabétiques de type 1 ayant répondu à un sondage sur le pancréas artificiel diffusé auprès du ficher de la Fédération Française des Diabétiques (AFD), l’intérêt pour le pancréas artificiel est réel. S’il était disponible, 48,5% d’entre eux aimeraient en bénéficier de façon « extrêmement probable » et 35% de façon « très probable ». « Le pancréas artificiel est surtout intéressant pour ceux qui ne parviennent pas à équilibrer leur glycémie. Les jeunes sont de bons candidats : l’aspect technologique (capteurs, smartphone) peut leur donner envie de s’impliquer dans le traitement de leur maladie et améliorer l’observance », estime Gérard Raymond, président de la Fédération Française des diabétiques (AFD).
« C’est une « innovation de rupture », un vrai progrès dans le traitement du diabète de type 1. Le faible encombrement et la discrétion des différents éléments et la simplicité d’utilisation sont des critères importants. Il est primordial qu’à terme, il soit accessible et remboursé pour tous ceux qui en ont besoin ».