Pour localiser un objet mobile tel qu'un drone à l'intérieur d'un bâtiment, en l'absence de signaux satellites, une des techniques les plus utilisées consiste à placer des balises ultra large bande (en anglais ultra wideband, UWB) au sol. L'appareil volant, doté d'équipements radio, se sert alors de ces balises comme de points de repère pour connaître sa position.
« Cependant, dans un entrepôt, par exemple, les signaux radio peuvent être perturbés par des obstacles, tels que des rayonnages », note Christophe Villien, chercheur en traitement du signal au CEA-Leti. « De plus, la précision de la localisation diminue lorsque le drone s'éloigne de la zone couverte par les balises : c'est ce qu'on appelle la dilution géométrique de la précision. »
Or, en s'élevant dans les airs, un drone a toujours tendance à s'écarter de ces repères, situés au sol.
De la radio UWB au radar
Afin de dépasser ces limites, Christophe Villien a travaillé sur une nouvelle méthode de localisation indoor. « Des travaux inspirés par des cas d'usage réels d'un industriel qui propose des drones pour des inventaires en entrepôt ou l'inspection 3D de carlingues d'avion », ajoute le chercheur.
Son idée : améliorer la précision de la localisation du drone en exploitant les données fournies par l'équipement déjà en place, sans changer le matériel. À cet effet, Christophe Villien a détourné la fonction première des antennes radio UWB de l'appareil.
« Celles-ci sont prévues pour fournir une seule valeur : la distance les séparant des balises au sol », explique-t-il. « Mais en réalité, elles possèdent une information bien plus riche à l'intérieur de leur circuit. Habituellement, cet ensemble de données est traité dans le but de fournir la distance, mais il peut aussi être directement exploité pour mesurer les signaux et leurs échos sur les objets environnants. »
Une analyse qui permet d'évaluer la distance à ces obstacles, à la façon d'un radar.
Association radar + balises UWB
Néanmoins, cette approche se heurte à une difficulté majeure : la multitude d'échos reçus.
« Notre objectif est de localiser le drone par rapport à des obstacles connus et fixes : il faut donc trier les échos et ne retenir que ceux qui nous intéressent », indique Christophe Villien. « Pour cela, nous couplons notre technique de radar à la distance mesurée aux balises au sol, afin de fournir une estimation conjointe de la position de l'appareil. »
La combinaison de ces deux méthodes a permis d'améliorer significativement la précision et la robustesse de la localisation, avec, par exemple, une erreur verticale moyenne de 40 cm lors des tests menés sur le terrain (contre 96,4 cm avec uniquement des balises UWB).
Ces résultats ont retenu l'attention de la communauté de l'IPIN (Indoor Positioning & Indoor Navigation). Christophe Villien a en effet présenté ses travaux lors de la quatorzième édition de cette conférence internationale, qui s'est tenue à Hong Kong (Chine) en octobre 2024, et y a reçu le quatrième prix des « best paper awards ».
Si la méthode développée correspond particulièrement aux applications industrielles visées initialement, Christophe Villien envisage de nouvelles perspectives.
« Nous avons proposé une thèse qui s'appuie sur les mêmes briques, mais avec l'objectif de s'affranchir totalement des balises UWB au sol », annonce-t-il. « Il s'agirait alors uniquement d'analyse d'échos, grâce notamment à une introduction de l'IA, pour la localisation et la reconstruction d'environnements. Cela pourrait, par exemple, servir dans le domaine militaire, en fournissant de précieuses informations à des soldats à l'intérieur d'un bâtiment. »