L'ADN génomique, support de l'information génétique, est régulièrement soumis à des modifications provoquées par des facteurs externes, comme des substances mutagènes ou les rayonnements UV, ou internes, à la suite d'un stress oxydatif ou réplicatif notamment. Pour garantir l'intégrité génétique de l'organisme, des systèmes de réparation scrutent continuellement les molécules d'ADN pour repérer les lésions et éviter les mutations. Parmi les lésions les plus dangereuses, les cassures double-brin touchent simultanément les deux brins de la double hélice d'ADN et entraînent une perte d'information sur un court fragment d'ADN. La réparation par jonction d'extrémités non homologues (Non-Homologous End Joining ou NHEJ) est l'un des mécanismes majeurs de réparation de ces cassures double-brin. S'il ne permet pas la restitution de la séquence parentale et est donc potentiellement mutagène, le mécanisme NHEJ reste pourtant assez fréquent chez les eucaryotes supérieurs où les séquences non codantes sont très majoritaires, et donc le risque de modification de phénotype minime. Chez l'humain, de nombreux syndromes neurologiques résultent d'un défaut de réparation des dommages de l'ADN et d'une atteinte à l'intégrité du génome dans le cerveau en développement. Les patients déficients en NHEJ présentent une microcéphalie associée à des troubles du développement neurologique et des difficultés d'apprentissage plus ou moins prononcées.
Des chercheurs de l'UMR Stabilité Génétique, Cellules Souches et Radiations de l'iRCM se sont intéressés au rôle de XLF/Cernunnos, un composant du complexe de ligation utilisé dans le NHEJ, dans le développement du cerveau et les mécanismes impliqués. Ils ont observé, dans un modèle murin déficient en XLF/Cernunnos, des retards de développement neurologiques et des altérations comportementales associés à une microcéphalie, qui rappellent les caractéristiques cliniques des patients déficients en NHEJ. En comparaison des souris sauvages, le modèle en XLF/Cernunnos présente une faible augmentation de la mort cellulaire par apoptose des cellules neurales et une neurogenèse prématurée dans le cerveau au cours de l'embryogenèse. La neurogenèse prématurée consiste en un passage précoce des progéniteurs neuronaux d'un mode de division proliférative à un mode neurogénique qui limite leur prolifération et, par conséquent, limiterait le développement du cerveau. Elle serait liée à une augmentation des cassures chromatidiennes dans les mitoses des progéniteurs neuronaux due à leur déficience en NHEJ. Il en résulterait une modification de l'orientation de leur fuseau mitotique qui orienterait le destin des cellules filles.
Cette étude, parue dans Cell Reports, révèle que XLF/Cernunnos est nécessaire au maintien des divisions prolifératives symétriques des progéniteurs neuronaux pendant le développement du cerveau et montre que la neurogenèse prématurée peut jouer un rôle majeur dans les pathologies neurodéveloppementales causées par une déficience en NHEJ et/ou un stress génotoxique au cours du développement embryonnaire.