Plus de 80 % des nouvelles infections par le virus de l'immunodéficience humaine VIH-1a dans le monde se produisent lors de rapports sexuels, impliquant une transmission du virus par les muqueuses. Les tissus des muqueuses et du tractus génital constituent la principale source de fluides contaminés par le VIH-1. Le sperme, qui contient à la fois des particules acellulaires et des cellules infectées, représente le principal vecteur de diffusion du VIH-1, du fait que la transmission se produise plus fréquemment d'homme à homme et d'homme à femme que de femme à homme. La transmission du VIH-1 est corrélée à la charge virale séminale et au stade de l'infection, mais les mécanismes de transmission n'ont pas été complètement élucidés. Pour entraîner une infection via la muqueuse génitale, le VIH-1 dans le sperme doit surmonter d'importants obstacles immunologiques et physiologiques pour traverser l'épithélium et infecter les cellules cibles sous-jacentes.
Plusieurs facteurs sont connus pour affecter l'infectiosité du sperme et augmenter le risque de transmission du VIH-1 à un partenaire, cependant, très peu de choses sont connues sur les acteurs de la réponse immunitaire innée et spécifique au VIH présente dans le sperme pouvant limiter ou renforcer la transmission virale. En effet, la plupart des études sur les réponses anti-VIH-1 dans le tractus génital portent sur les femmes, alors que les connaissances sur l'immunité du tractus génital masculin contre le VIH-1 sont encore limitées. Une meilleure connaissance du rôle des anticorps et des lymphocytes T présents dans le sperme pourrait contribuer à l'élaboration de stratégies plus pertinentes dans le domaine de la prévention de la transmission du VIH-1.
Dans ce cadre de recherche, les travaux pilotés par le département IDMIT (UMR1184/ImVa) et publiés dans Frontiers in Immunology, ont porté sur l'étude de la réponse immunitaire innée et adaptative dans le sperme de primates non humains infectés par une souche spécifique du virus de l'immunodéficience simienne (SIVmac251). Ce modèle d'étude simien d'infection est le modèle le plus proche de l'infection pathogène par le VIH chez l'Homme.
Pour cela, les chercheurs ont analysé la dynamique de la charge virale au niveau du liquide séminal, les niveaux de cytokines, la réponse anticorps spécifique au VISb, et les niveaux de lymphocytes T (CD8+) pendant les phases d'infection aiguë et chronique.
L'infection par le VIS a induit un état inflammatoire global dans le liquide séminal. Plusieurs molécules pro-inflammatoires (IL-8, IL-15, IL-18, IFN-γ, IP-10 et CCL-5) ainsi que les molécules immuno-modulatrices IL-13 ont présenté des taux plus élevés pendant l'infection primaire par rapport aux primates non infectés. Cet environnement inflammatoire permettrait de recruter des cellules cibles et moduler les cellules immunitaires. La preuve expérimentale a été fournie d'un niveau élevé de lymphocytes T CD69+ CD8+ activées préexistantes dans le tractus génital mâle, qui est encore plus élevé lors de l'infection par le VIS.
En parallèle, a été observé une augmentation sensible des lymphocytes T CCR5+ CXCR3+ CD8+, phénomène typique d'un phénotype Tc1, ce qui est cohérent avec la capacité de ces cellules à migrer vers des tissus inflammatoires.
Dans une majorité des primates infectés, des anticorps se liant au récepteur FcγRIIIa dans le sperme ont été détectés, révélateurs de la mise en place d'un phénomène de cytotoxicité à médiation cellulaire dépendante des anticorps. Il est intéressant de noter que l'activité de liaison à FcγRIIIa dans le sperme est positivement corrélée aux titres d'anticorps spécifiques au VIS et à la charge virale séminale.
Ainsi, l'échec du contrôle de la réplication virale dans le sperme infecté par le VIS est lié à une inflammation générale et à une activation immunitaire, qui reflète peut-être ce qui se passe dans le tractus génital masculin et qui pourrait conduire à une transmission accrue du VIH-1 chez l'Homme. Cette étude met en évidence l'interaction complexe entre l'activation immunitaire et l'inflammation et le rôle que cela pourrait jouer dans la modulation de l'infectiosité du sperme et du risque de transmission. Ainsi une meilleure compréhension des mécanismes qui régulent l'immunité dans le tractus génital humain pourrait contribuer à améliorer l'efficacité des mesures de prévention actuellement disponibles et conduire à l'identification de nouveaux éléments déterminants de la transmission du VIH-1.
a : Le VIH-1 est l'un des deux types de virus du VIH (virus de l'immunodéficience humaine), l'autre étant le VIH-2. Les deux virus présentent 42 % d'homologie mais le VIH-1 est plus fréquent que le VIH-2. Il existe neuf sous-types (souches) de ce virus, corrélés à des zones géographiques. Par exemple, la souche B est surtout présente en Amérique du Nord et en Europe. Le VIH-1 se transmet par voie sexuelle, sanguine ou materno-fœtale.
b : Virus d'immunodéficience simienne