Produire un plasma de fusion performant sur de longues durées nécessite de contrôler le plasma bien au-delà du temps de confinement de l'énergie et des particules, de l'ordre de 100 millisecondes dans le tokamak WEST de l'IRFM et de 2 à 3 secondes dans ITER. Au-delà de ces échelles de temps, il faut tenir compte de processus physiques évoluant lentement, comme la saturation en hydrogène ou l'érosion des parois internes du tore.
Afin d'améliorer simultanément la durée du plasma de fusion et sa puissance, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) et l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) ont créé en 2020 un réseau d'experts baptisé CICLOP (Coordination on International Challenges on Long duration OPeration), présidé par un expert de l'IRFM.
Le groupe CICLOP a collecté et analysé une base de données multi-machines, provenant d'expériences de dix tokamaks et de deux stellarators dans le monde entier. Celle-ci est accessible à tous sur une page ouverte du site internet de l'AIEA.
Par exemple, un indicateur simple a été défini pour comparer les différentes installations de fusion : la puissance de chauffage du plasma rapportée à sa surface. Il est fortement réduit lorsqu'on augmente la durée du plasma de fusion. En effet, pour chauffer le plasma, Il faut injecter une puissance élevée qu'il est ensuite difficile d'évacuer sur des temps longs sans dommages pour les composants les plus exposés. C'est un défi que les équipes de l'IRFM cherchent à relever avec le tokamak WEST, afin de préparer l'exploitation d'ITER.
Un autre indicateur est fourni par la pression normalisée du plasma de fusion (divisée par la pression imposée par le champ magnétique du tokamak). Lui aussi s'effondre avec la durée du plasma de fusion. La pression normalisée attendue pour ITER (1,8) en régime de fonctionnement normal est inférieure à celle qui serait visée pour certains projets innovants de centrale de fusion (au-delà de 2,5). Le tokamak JT-60SA récemment mis en service au Japon en collaboration avec l'Europe (et en particulier le CEA) explorera un fonctionnement à forte pression normalisée de plasma de fusion sur des temps longs.
Les analyses montrent que chacun des objectifs d'ITER (durée et puissance du plasma) a été atteint et même dépassé individuellement mais elles donnent aussi à voir le chemin restant à parcourir pour obtenir ces performances simultanément.
Le groupe CICLOP a en particulier identifié les écarts en termes de physique et d'ingénierie entre les résultats actuels et l'objectif pour ITER et les futures centrales. Dans ce contexte, il est important de mettre en œuvre des plasmas fortement rayonnants aux bords et d'étudier les effets du vieillissement des matériaux exposés sur les performances du plasma.