Il est possible d'analyser la composition de l'atmosphère d'une exoplanète quand celle-ci passe devant son étoile, car cela atténue très légèrement sa luminosité (entre 0,1 et 1 %). À certaines longueurs d'onde, les molécules présentes dans l'atmosphère bloquent le rayonnement de l'étoile qui ne parvient alors que partiellement à l'instrument. Quoique ténues, ces baisses spectrales de luminosité révèlent des bandes d'absorption qui sont autant de signatures des molécules recherchées.
Avant le Webb, avec le Hubble Space Telescope (NASA) en particulier, les scientifiques ne pouvaient sonder en pratique que la présence de vapeur d'eau. Désormais, le Webb possède la sensibilité, la résolution et la couverture spectrale nécessaire en infrarouge proche et moyen pour détecter d'autres molécules atmosphériques. De fait, il a déjà permis la détection du dioxyde de carbone (CO2), de l'ammoniac (NH3) et du dioxyde de soufre (SO2) dans l'atmosphère de géantes gazeuses comme Jupiter. À noter que les observations recueillies ne sont pas interprétées sans recourir à des modèles théoriques d'atmosphères d'exoplanètes. Pour chaque modèle, les physiciens calculent le spectre attendu en testant différents éléments chimiques et conditions physiques de pression et température, puis les comparent aux observations.
Une planète à l'atmosphère immense…qui s'évapore
Les chercheurs de l'Irfu et leurs partenaires ont choisi de braquer le Webb sur la planète gazeuse WASP-107b qui a la masse de Neptune et le rayon de Jupiter. Son atmosphère très enflée leur offre des conditions d'observation particulièrement favorables pour analyser en profondeur sa composition chimique. Elle orbite en cinq jours seulement autour de son étoile et est donc exposée à un rayonnement stellaire intense.
Ils ont observé pendant huit heures le passage de la planète devant son étoile à l'aide du spectromètre basse résolution de MIRI (Mid-Infrared Instrument). « Pour cette exoplanète plutôt « froide » (700 K), les modèles théoriques prévoyaient la présence de soufre sous forme de H2S (sulfure d'hydrogène), de méthane et de vapeur d'eau. Or, les observations révèlent du dioxyde de soufre (SO2), des nuages de silicates (sable) et de la vapeur d'eau. Mais pas de méthane », indique Achrène Dyrek, astrophysicienne à l'Irfu.
Des modèles qui évoluent
Cette absence de méthane contraint alors les physiciens à réviser les modèles atmosphériques, voire leurs scénarios de formation et d'évolution planétaire. Quant à la présence de SO2, en plus de celle de H2S (détectée en quantité très faible), elle trahit l'existence de réactions chimiques initiées par le rayonnement énergétique de l'étoile : la vapeur d'eau et H2S sont dissociés en haute atmosphère puis des molécules de dihydrogène (H2) et de SO2 se forment.
Ces résultats suggèrent qu'il faut désormais incorporer aux modèles, non seulement l'environnement de la planète (avec en particulier l'irradiation de son étoile), mais aussi la dynamique de l'atmosphère. Pour affiner l'interprétation de ces données et contraindre plus fortement leurs modèles, les scientifiques vont agréger des données supplémentaires provenant notamment des autres instruments du Webb. À suivre...