Aujourd'hui, l'électronique gigahertz (109 Hz) est disponible et la technologie térahertz (1012 Hz) est en train de voir le jour. Bientôt, les composants évolueront vers le pétahertz (1015 Hz), comblant le fossé entre l'électronique et la photonique (~ 1017 Hz). Mais comment contrôler le mouvement des électrons à ces fréquences extrêmes ?
Avec de la lumière ! Les semi-conducteurs tels que le silicium ou l'arséniure de gallium (AsGa) se prêtent à la circulation de courants électroniques lorsqu'ils sont soumis au champ laser très intense (térawatt) produit par des impulsions infrarouges ultra-courtes. Des harmoniques lumineuses d'ordre élevé (supérieur à 10) sont alors générées par un processus extrêmement non linéaire. Leur étude révèle-t-elle des propriétés du matériau et des électrons au cours de l'interaction entre le cristal et le champ laser ?
Pour le savoir, des chercheurs de l'Iramis et leurs partenaires du Max Planck Institute (Allemagne) ont étudié la génération d'harmoniques d'ordre élevé dans un cristal semi-conducteur d'AsGa. L'expérience, menée sur la plateforme laser NanoLight de l'Iramis (LIDYL), a d'abord permis de déterminer où observer les harmoniques dans un matériau transparent dans l'infrarouge mais opaque à leurs longueurs d'onde : dans les cent nanomètres suivant la traversée du cristal par le laser. Puis ils ont, en particulier, analysé l'évolution de leur intensité en fonction de la direction de polarisation (linéaire) des impulsions infrarouges.
Les harmoniques partagées entre deux régimes électroniques
L'intensité des harmoniques impaires jusqu'à l'ordre 11 a ainsi été mesurée en fonction de l'orientation du cristal. De manière attendue, l'intensité des harmoniques varie avec l'angle entre la direction de la polarisation du faisceau infrarouge et les axes cristallographiques de l'arséniure de gallium. Et en particulier pour l'harmonique 5, cette anisotropie est modifiée lorsque la puissance laser augmente. Les chercheurs ont pu interpréter ce phénomène comme le résultat de la compétition entre deux mécanismes qu'ils ont pu mettre en lumière pour la première fois dans cette étude sur l'AsGa.
- Le signal harmonique est dominé à basse intensité par la « contribution inter-bande », à savoir la recombinaison d'un électron et d'un trou provenant de deux bandes d'énergie différentes (valence et conduction), séparées par le gap (bande interdite) du semi-conducteur.
- À plus forte intensité, l'anisotropie s'inverse, ce que les chercheurs expliquent par l'apparition d'une forte émission due à la mobilité électronique à l'intérieur de la bande de conduction (dynamique intra-bande).
Cette observation expérimentale confirme la possibilité de piloter la dynamique électronique en fonction de la direction cristalline et de l'intensité laser. Une étape nécessaire pour construire une optoélectronique pétahertz, à l'échelle du demi-cycle optique du laser infrarouge (~ 7. 10-15 s à 2,1 µm).