Les transitions de phase entre états de la matière sont habituellement décrites par des « brisures » de symétries : l'état solide d'un corps se distingue par exemple du liquide par une symétrie de translation continue « brisée ».
Cependant, certaines transitions de phase peuvent être définies à l'échelle microscopique par un « principe d'organisation » (ou ordre) du système, sans brisure de symétrie. Dans le cadre de la physique classique, l'état d'énergie minimale du système (l'état fondamental) se compose alors d'une infinité d'états respectant localement cette organisation. En physique quantique, l'état fondamental – appelé « liquide quantique » – est représenté par la superposition de ces états, cette fois « intriqués » (ou corrélés à distance).
Sur le plan expérimental, les « glaces de spin » focalisent l'intérêt des chercheurs, et plus encore, leur contrepartie quantique. Ces composés magnétiques doivent leur nom au fait que le désordre dans l'organisation spatiale des spins en leur sein mime celui des protons dans la glace d'eau (H2O).
En utilisant la diffusion des neutrons, les chercheurs ont mis en évidence le premier état de « liquide quantique » dans le composé Ce2Sn2O7. Celui-ci est formé par la distribution octupolaire de la densité électronique, stabilisée par les interactions entre octupôles. Les interactions spin-spin, quoique plus faibles, permettent de former un état fondamental constitué d'une superposition quantique des différents états de « glace octupolaire », analogue à un « liquide quantique ».
Des interactions multipolaires d'ordre encore plus élevé pourraient fournir des clés pour comprendre les ordres « cachés » des matériaux à fermions lourds ou des supraconducteurs à haute température critique. Réunir ces recherches et le monde fascinant des « glaces » et liquides de spins quantiques devrait ouvrir de nouvelles perspectives et peut-être susciter des applications inattendues dans le domaine des technologies quantiques.
Cette collaboration réunit le Paul Scherrer Institut (Suisse), le Stanford Institute for Materials and Energy Science (États-Unis), l'Institut Néel (Grenoble) et le Laboratoire Léon-Brillouin (Iramis) à Saclay.