Aussi nombreux que les photons, les neutrinos interagissent peu avec la matière et peuvent se propager à des vitesses très élevées pendant des milliards d'années. Quand leur vitesse est proche de celle de la lumière (relativiste), ils freinent les effets de la gravité à petite échelle et « lissent » les structures en formation, en particulier les filaments de matière intergalactique, composés d'hydrogène.
Les astrophysiciens utilisent des sources extrêmement brillantes, les quasars (quasi-stellar radiosource), pour sonder la distribution spatiale de l'hydrogène à plus de 10 milliards d'années-lumière de nous. Les spectres d'absorption des quasars permettent en effet, dans certaines conditions, d'extraire de l'information sur la densité d'hydrogène dans leur voisinage et d'établir des cartographies assez précises pour être confrontées aux effets des neutrinos relativistes, simulés grâce à des supercalculateurs.
À partir d'une sélection stricte des spectres de quasars relevés par SDSS (Sloan Digital Sky Survey), les chercheurs de l'Irfu ont produit la mesure la plus précise à ce jour des propriétés statistiques de la répartition spatiale de l'hydrogène intergalactique. De plus, grâce à une analyse conjointe de ces données avec celles du satellite Planck, ils ont pu établir que la somme des masses des trois espèces de neutrinos ne pouvait excéder 0,11 eV, valeur ramenée à 0,09 eV compte tenu de contraintes cosmologiques (voir fait marquant). À ce niveau de précision, le résultat obtenu défavorise le scénario selon lequel deux (et non pas une) des trois espèces de neutrinos se distingueraient par des masses sensiblement plus élevées.
Ces nouvelles mesures permettent également de tester l'effet d'une matière noire « tiède » d'origine thermique, dotée d'une masse de l'ordre du keV, dont les vitesses auraient encore été relativistes au tout début de la formation des structures cosmiques. Ces particules pourraient être décrites par un modèle de neutrino stérile récemment remis au goût du jour, suite à la découverte d'une raie d'émission à 3,5 keV. Celle-ci pourrait en effet provenir de la désintégration d'un neutrino exotique de 7 keV en un photon et un neutrino classique.
Les observations de quasars les plus lointains, à 12 milliards d'années-lumière, excluent, quant à elles, les particules de matière noire tiède de moins de 10 keV et un autre modèle de neutrino stérile de moins de 80 keV.