Pour la plupart des phénomènes observables, les lois de la physique décrivent de manière symétrique matière et antimatière. Cependant cette symétrie pourrait ne pas être universelle, comme en témoigne notre Univers, composé essentiellement de matière et de très peu d'antimatière.
Les physiciens pensent qu'au moment du big-bang, matière et antimatière ont été créées en quantités égales. Pour que la matière soit devenue dominante dans l'Univers, il a fallu qu'une symétrie, dite « charge-parité » (CP), soit violée. Or jusqu'à présent, la violation de cette symétrie n'a été observée que pour des particules subatomiques (quarks), ce qui ne suffit pas à expliquer la quasi-disparition de l'antimatière dans l'Univers.
L'expérience T2K recherche cette violation de symétrie dans un tout autre domaine : les oscillations (ou transformations) de neutrinos. L'asymétrie se manifesterait par une différence de probabilités d'oscillation des neutrinos et des antineutrinos.
Pour cela, T2K utilise un faisceau de neutrinos (ou antineutrinos) de « saveur » muonique, produit à l'aide d'un accélérateur de protons situé au centre de recherches J-PARC, à Tokai, sur la côte est du Japon. Les protons frappent une cible de laquelle sont éjectées différentes particules qui se désintègrent en neutrinos et antineutrinos. Une petite fraction de ces neutrinos (ou antineutrinos) est détectée 295 kilomètres plus loin, dans le détecteur Super-Kamiokande, implanté sous une montagne à Kamioka, proche de la côte ouest du Japon.
Pendant que les neutrinos (ou antineutrinos) parcourent la distance de Tokai à Kamioka, une fraction d'entre eux oscille et devient des neutrinos (ou antineutrinos) de saveur électronique. Ces neutrinos (ou antineutrinos) électroniques sont identifiés dans le détecteur Super-Kamiokande par les anneaux de lumière Cherenkov (bleutée) qu'ils produisent. T2K étudie alternativement des faisceaux de neutrinos et d'antineutrinos.
Pour atteindre la meilleure précision, les expérimentateurs doivent prendre en compte le fait que la détection des neutrinos est deux fois plus probable que celle des antineutrinos et introduire des corrections calculées à partir des données recueillies dans les détecteurs proches de la source des neutrinos.
Dans l'hypothèse d'une production maximale de neutrinos électroniques, les valeurs attendues dans le détecteur sont 82 neutrinos électroniques et 17 antineutrinos électroniques ; dans le cas d'une production maximale d'antineutrinos électroniques, ces valeurs deviennent respectivement 56 et 22.
Or T2K a observé 90 neutrinos électroniques et 15 antineutrinos électroniques. Ces résultats plaident donc en faveur d'un renforcement de la probabilité d'oscillation des neutrinos par rapport aux antineutrinos.
En utilisant ces données, la collaboration T2K établit la contrainte la plus forte à ce jour sur le paramètre décrivant les probabilités d'oscillation des neutrinos et antineutrinos, ce qui semble indiquer que la symétrie CP est violée dans les oscillations de neutrinos.
Pour démontrer formellement cette violation, il faudra encore améliorer la sensibilité de l'expérience, notamment celle des détecteurs proches de la source de neutrinos, et augmenter l'intensité des faisceaux de neutrinos.
T2KL'expérience T2K est soutenue par le Ministère japonais de la culture, des sports, de la science et de la technologie (MEXT) et est conjointement hébergée par l'Organisation pour la recherche scientifique des hautes énergies auprès d'accélérateurs (KEK) et par l'Université de Tokyo.
T2K a été construite et est exploitée par une collaboration internationale qui compte près de 500 scientifiques de 68 laboratoires, dans 12 pays.
L'Irfu, le Laboratoire Leprince-Ringuet (CNRS-Institut polytechnique de Paris) et le Laboratoire de physique nucléaire et de hautes énergies (CNRS-Sorbonne Université-Université de Paris) sont des acteurs très impliqués dans T2K.
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