La biologie est une science jeune. Les chercheurs, les mains dans la glaise du vivant, raisonnent en général à partir de leurs observations. L'expérience précède ainsi la théorie, ce qui n'est pas toujours le cas en physique[1]. Les biologistes se sentent parfois submergés par la complexité écrasante des systèmes biologiques, même d'une seule cellule. « Cette attitude évolue, tempère Xavier Gidrol, responsable de laboratoire au CEA-BIG. Les sciences du vivant font de plus en plus appel à l'abstraction, elles se théorisent. On sort du détail, on prend du recul. » Preuve en est, les résultats présentés par son équipe sur les principes d'organisation des réseaux de régulation de l'expression du génome.
Depuis le début des années 2000, il est observé que les principes d'organisation de la plupart des systèmes complexes technologiques présentent une architecture en nœud papillon. « Faisons le parallèle avec la construction d'édifices, explique le biologiste. D'un côté de ce nœud papillon, on trouve une grande variété de matières premières qui permettent la fabrication d'un nombre réduit de matériaux de base de construction, comme les briques, les poutres, le ciment. A l'autre pan du nœud, on retrouve la multitude des combinaisons possibles de ces éléments de base pour fabriquer des édifices aussi différents qu'une maison, un immeuble, un pont, etc. » Les chercheurs font le parallèle avec les macro-molécules biologiques. Les matériaux de base du vivant sont en effet peu nombreux. 22 acides aminés et 4 nucléotides donnent naissance à toutes les protéines auxquelles il faut ajouter les différents types d'ARN qui font fonctionner l'ensemble des cellules d'un organisme tout en lui apportant sa singularité. Les systèmes du vivant sont en outre doués de robustesse et d'une grande capacité d'évolution, deux propriétés difficiles à concilier. La robustesse est par exemple apportée par la redondance fonctionnelle de certains processus biologiques, comme un avion qui duplique le système de gestion de ses volets d'ailes. La robustesse est aussi apportée par des contrôles « feed-back » sur la machinerie cellulaire pour repérer des anomalies qui seront alors corrigées. Ces mécanismes pallient la fragilité du système liée au nombre réduit des éléments de base, cette limitation ayant pour avantage en retour de permettre une grande capacité d'adaptation ou d'évolution !
« L'architecture en nœud papillon permet de comprendre ce type d'organisations, précise Xavier Gidrol. Toutefois, la spécificité du vivant, et notamment l'importance de l'interaction avec l'environnement, nous a amené à modifier le nœud papillon classique en un nœud papillon de type Lavallière, avec quatre ailes. » Ainsi, l'architecture imaginée par l'équipe du CEA-BIG permet d'embrasser les spécificités du vivant. « Prendre du recul, analyser de façon globale la robustesse et les fragilités permettra de repérer les faiblesses des systèmes biologiques, notamment de leurs formes pathologiques, affirme le biologiste. Et ainsi d'ouvrir peut-être de nouvelles voies thérapeutiques. »
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Une architecture en nœud lavallière qui intègre le réseau de miRNA dans un plus large réseau de régulation de l’expression des gènes. Au sein de cette organisation 3 ailes regroupent les acteurs moléculaires, la quatrième traite le flux d’information venant du microenvironnement. Au cœur du nœud lavallière la machinerie de transcription et de traduction (Trans*) est composée de quelques polymérases et de composants universels (nucléotides, acides aminés, ribosomes, etc..). (c) CEA
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[1] La découverte du Boson de Higgs ou celle des ondes gravitationnelles en attestent.