Les réseaux cellulaires terrestres ne couvrent que 20% de la planète. Ailleurs, il faut se passer de communications ou recourir à de coûteuses liaisons par satellites. C'est ce qui a motivé l'Agence spatiale européenne (ESA) à lancer en 2020 un ambitieux appel à projets sur des antennes ultra-miniaturisées haute performance.
400 MHz de fréquence avec une antenne de 3 cm d’épaisseur!
Le CEA-Leti et la start-up Kineis, soutenus par le CNES, y ont répondu avec succès, et ont confirmé lors d’une démonstration de plusieurs semaines les promesses de leur technologie.
La demande principale du cahier des charges de l’ESA portait sur la miniaturisation : comment transmettre efficacement un signal radio à une fréquence de 400 MHz avec une antenne de 3 cm d’épaisseur, alors que les lois de la physique requièrent classiquement 37 cm ?
De plus, ces antennes devaient être à « polarisation circulaire », c’est-à-dire avoir la même efficacité de rayonnement, quelle que soit l’orientation de l’objet. Par exemple, un container maritime équipé d’une antenne pour être suivi lors de son transport est soumis au roulis et au tangage, incliné lors de son levage par une grue, etc.
« Les applications avec un support métallique sont nombreuses, donc stratégiques pour Kinéis, mais nuisent à l'efficacité de la plupart des antennes. La proposition du CEA-Leti apporte une solution performante pour ces conditions exigeantes ». ajoute Vincent Gamonal Ingénieur test, validation, certification chez Kinéis.
Des microantennes pilotées électroniquement
« Nous avons répondu à ces deux exigences grâce à notre expertise en miniaturisation d’éléments rayonnants, décrit Serge Bories, chef de projet au CEA-Leti. Notre antenne de 3 cm est en réalité un microréseau d’antennes encore plus petites, entre lesquelles la distribution des courants de radiofréquences est pilotée par couplage capacitif. »
L’antenne permet aussi une émission à 868 MHz sur des réseaux IoT terrestres. « On bascule sur cette fréquence quand l’objet équipé revient dans une zone couverte par le réseau cellulaire terrestre, explique Christophe Delaveaud, chef du laboratoire antennes et propagation du CEA-Leti. La communication est moins coûteuse et moins énergivore. »
60% de messages supplémentaires transmis
La démonstration réalisée courant 2023 dans les locaux toulousains de Kineis a révélé des performances spectaculaires. Malgré la miniaturisation, l’énergie rayonnée est multipliée par 20 par rapport à la meilleure antenne utilisée par Kineis, à consommation du transmetteur radio inchangée !
« Nous avons mesuré une amélioration de 60% du nombre de messages reçus par les satellites de Kinéis, complète Serge Bories : le gain en énergie permet de transmettre des données dans des situations où l’antenne et le satellite ne sont pas en vue directe, par exemple si d’autres objets font partiellement écran. »
Aller plus loin avec un partenaire industriel
« Le développement d'une antenne à polarisation circulaire aussi petite était un challenge énorme ; le prototype du CEA-Leti a atteint l'objectif souhaité. Il reste désormais l'étape de l'industrialisation pour en faire un produit utilisable par nos clients. » indique Vincent Gamonal.
Cette antenne ultra-miniaturisée peut déjà être déployée dans l’agriculture avec la surveillance de troupeaux dans des régions reculées. Pour des usages plus exigeants (transport maritime, défense, agriculture, sécurité des personnes en milieu naturel hostile…), le CEA-Leti est prêt à l’améliorer encore :
« nous voulons la doter d’une boucle de rétroaction qui détectera et corrigera les perturbations éventuelles induites par des objets situés à proximité immédiate » conclut Serge Bories. La porte est donc ouverte à des partenaires industriels.
Antenne ultra-miniature pour les capteurs Sat/Terr IoT