Le sang est par nature stérile et la septicémie, c'est-dire sa contamination par des agents infectieux – le plus souvent des bactéries – est responsable de presque 20 % des décès dans le monde*. Or, à partir de la prise de sang, il faut aujourd'hui 26 à 40 heures pour le transport en laboratoire, la culture en boîte de Petri et l'analyse par spectrométrie de masse, pour déterminer l'espèce du pathogène détecté. Ce qui retarde d'autant l'administration d'une antibiothérapie ciblée.
Le CEA-Leti veut réduire ce délai à une fourchette de 16 à 26 heures, qui plus est avec une technologie low tech : ni réactifs, ni spectromètre de masse, ni technicien qualifié. Des preuves de principe sur sang sain volontairement infecté ont montré qu'elle était efficace, reproductible, et ne générait ni faux positif ni faux négatif.
Déjà quatre brevets déposés
Cette technologie, qui devrait être nettement moins coûteuse, est protégée par quatre brevets. Elle consiste à mesurer des différences de potentiel dans un échantillon de dix millilitres de sang, avec des électrodes d'un millimètre de diamètre.
Dans sa forme actuelle, le dispositif compte neuf électrodes : une de référence, huit autres recouvertes chacune d'un matériau. Ces électrodes assurent la mesure en continu d'un profil électrochimique qui permet de déterminer le type de bactérie, par exemple Escherichia coli, staphylocoque doré ou streptocoque. Si une bactérie est présente, elle forme un biofilm en surface des électrodes, ce qui en modifie les propriétés physiques et fait varier les mesures de différences de potentiel.
Aujourd'hui, le dispositif est installé sur un banc de laboratoire. À terme, il sera portatif : un flacon d'hémoculture instrumenté placé dans un incubateur portable. « Nous voulons une solution adaptée à des territoires isolés, à la médecine tropicale, voire à des opérations militaires ou des missions spatiales », explique Pierre Marcoux, coordinateur du projet. Objectif : une mise sur le marché vers 2030. »
Une collaboration avec les CHU de Nice et Grenoble
La technologie a été évaluée sur des échantillons de sang sain volontairement infectés. Ses performances : 99,4% de fiabilité sur la détermination du type de Gram**, 85% en identification au genre. « Nous avons encore de fortes marges de progression, précisent Pierre Marcoux et Thibaut Babin, qui a développé cette technologie pendant sa thèse. En particulier, le projet ANR que nous montons avec les CHU de Nice et de Grenoble va permettre de mener des études cliniques. »
Ces études serviront notamment à créer une base de données d'échantillons sanguins sains et infectés, pour améliorer les capacités d'identification du dispositif grâce à l'apprentissage artificiel. En parallèle, un projet de recherche est en préparation avec l'Institut de médecine tropicale d'Anvers, l'Université libre de Bruxelles et l'université Mc Gill (Montréal) pour réaliser des essais en Afrique centrale.