Les maladies neurodégénératives sont caractérisées par une détérioration progressive des neurones entraînant un dysfonctionnement du système nerveux et une perte graduelle des capacités cognitives et/ou motrices.
Une des caractéristiques histologiques de ces maladies est la formation de lésions cérébrales qui se traduisent par l'accumulation d'agrégats protéiques intra- ou extracellulaires qui précède la dégénérescence neuronale.
Certains de ces agrégats sont spécifiques d'une pathologie ; d'autres, comme ceux formés par la protéine tau, sont communs à plusieurs pathologies. On les retrouve dans la maladie d'Alzheimer, mais aussi dans de nombreuses autres maladies neurodégénératives regroupées sous la dénomination de tauopathies (démence fronto-temporale, dégénération cortico-basale, maladie de Pick, etc.). En condition pathologique, la protéine tau devient hyperphosphorylée, favorisant son agrégation et la formation d'oligomères, puis d'agrégats plus structurés : les enchevêtrements neurofibrillaires.
Les héparanes sulfates (HS), polysaccharides présents physiologiquement dans les membranes cellulaires et dans la matrice extracellulaire, ont été retrouvés associés aux lésions amyloïdes et tau observées dans les neurones de patients atteints de la maladie d'Alzheimer. Des travaux ont montré dans des modèles cellulaires et animaux de tauopathies que des formes spécifiques d'héparanes sulfates, les 3-O-sulfatés (3S-HS) produits par la 3-O-sulfotransférase 2 (HS3ST2), sont directement impliqués dans la phosphorylation anormale de la protéine tau.
Dans la poursuite de ces travaux et afin de mieux comprendre l'implication des héparanes sulfates dans l'évolution de la tauopathie, le laboratoire Gly-CRRET (équipe de D. Papy-Garcia) en collaboration avec le SEPIA (D. Biard) a développé un nouveau modèle cellulaire d'étude des tauopathies faisant appel à une approche d'ingénierie génétique utilisant les plasmides réplicatifs pEBV.
Dans ce nouveau modèle, décrit dans le journal Scientific Reports, les chercheurs ont mis en évidence le déclenchement autonome de l'agrégation anormale de la protéine tau sauvage (non mutée). Ce dernier se différencie des autres modèles cellulaires existants car il ne nécessite pas l'expression de protéines tau mutées et/ou d'inducteurs chimiques ou protéiques d'agrégation pour déclencher le phénomène d'agrégation de la protéine tau dans les cellules.
Les chercheurs ont travaillé avec la lignée cellulaire HEK293 dans laquelle ils ont fait exprimé à long terme à l'aide d'épisomes réplicatifs de type pEBV la protéine tau, en combinaison ou non de l'enzyme sulfotransférase HS3ST2.
L'enzyme HS3ST2 est impliquée dans l'ajout de groupements sulfates en position 3-O des héparanes sulfates. In situ, elle n'est exprimée que dans certains neurones vulnérables à la tauopathie.
Ils ont montré que les héparanes sulfates nouvellement produits (3S-HS) suite à l'activité de sulfatation réalisée par HS3ST2 ne restent pas seulement au niveau des membranes cellulaires, ils sont également internalisés, se retrouvant ainsi en contact avec la protéine tau. L'interaction entre les 3S-HS et la protéine tau entraine la phosphorylation anormale de la protéine tau et la production d'oligomères de tau.
Il est intéressant de noter que ces résultats font écho à des études précédentes décrivant la co-localisation anormale d'héparanes sulfates avec des agrégats de tau hyperphosphorylés dans les neurones de patients atteints de la maladie d'Alzheimer.
En reproduisant dans une lignée cellulaire facilement manipulable avec des outils d'ingénierie génétique les étapes d'un phénomène pathologique encore mal compris, cette étude ouvre des perspectives sur une évaluation facilitée de nouveaux outils pharmacologiques ciblant l'interaction des HS avec les agrégats de tau, pour le traitement des tauopathies.