Le cerveau consomme une grande partie de l’énergie
disponible dans notre organisme. Son bon fonctionnement repose sur une étroite
coopération entre les neurones et les cellules de leur environnement, en
particulier les astrocytes. La phase précoce de la maladie d’Alzheimer est caractérisée
par une réduction de ce métabolisme énergétique, mais on ignorait si ce déficit
pouvait contribuer directement aux symptômes cognitifs de la maladie d’Alzheimer.
Une étude collaborative, pilotée par l'équipe de Gilles Bonvento au LMN (MIRCen) et le Neurocentre Magedie (INSERM), a montré dans un modèle souris de la
maladie d’Alzheimer que la diminution de la consommation de glucose par les
astrocytes conduit à une réduction de la production de L-sérine, un acide aminé
majoritairement produit par ces cellules dans le cerveau et dont la voie de
biosynthèse est altérée chez les patients.
Les astrocytes sont des cellules cérébrales, dites gliales, assurant
un rôle de support des neurones, mais dont on sait maintenant qu’elles assurent
toute une palette de fonctions clés régulant la transmission de l'information
dans le cerveau. Par l'intermédiaire
des vaisseaux sanguins avec lesquels ils sont connectés, les astrocytes captent
le glucose avant de le transformer en différents métabolites dont l'acide aminé
L-Sérine, précurseur de la D-sérine La D-Sérine joue le rôle de ‘gliotransmetteur’
dans l’hippocampe où, une fois
libérée au niveau des synapses, elle vient se fixer sur les récepteurs
neuronaux NMDA qui jouent un rôle essentiel dans l'apprentissage et la
mémorisation.
Dès lors, en produisant moins de L-sérine, les astrocytes
sont à l’origine d’une diminution de l’activité de ces récepteurs, ce qui entraîne
une altération de la plasticité neuronale et des capacités de mémorisation
associées. Les scientifiques ont également démontré que les fonctions de
mémorisation des souris ont toutes été restaurées par un apport alimentaire en
L-sérine.
Chez des souris génétiquement modifiées pour modéliser la maladie d'Alzheimer, on observe une faible production de sérine et une activation moindre des récepteurs NMDA, entrainant une baisse de la plasticité synaptique et une détérioration de la mémoire spatiale (à gauche). La plasticité et les performances de mémoire spatiale sont restaurées chez ces souris après un régime enrichi en sérine (à droite). (Crédit : G. Bonvento/LMN/MIRCen)
L’identification du rôle de la L-sérine dans les troubles cognitifs
et l’efficacité expérimentale d’une supplémentation nutritionnelle ouvrent la
voie à de nouvelles stratégies, complémentaires des thérapies médicamenteuses,
pour lutter contre les symptômes précoces de la maladie d’Alzheimer et d’autres
maladies présentant des altérations du métabolisme cérébral, comme les maladies
de Parkinson ou de Huntington.
-> Ces travaux ont fait l'objet d'un communiqué de presse.
Ces travaux ont été menés par des chercheurs du Laboratoire
des maladies neurodégénératives (CNRS/CEA/Université Paris-Saclay), au sein du
MIRCen/Institut de biologie François Jacob, et du Neurocentre Magendie (Inserm/Université
de Bordeaux) en collaboration avec des équipes du laboratoire Neurosciences
Paris Seine (CNRS/Inserm/Sorbonne Université), de l’Institut Galien Paris Sud
(CNRS/Université Paris Saclay), du Centre de recherche en neurosciences de Lyon
(CNRS/Inserm/Université Claude Bernard Lyon 1/Université Jean Monnet), du Département Médicaments et Technologies pour la santé de l'Institut des sciences du vivant Fréderic Joliot (CEA/Inrae/Université Paris Saclay)
et par des chercheurs de l’AP-HP au sein de l’hôpital de la Pitié-Salpétrière).
Ces travaux ont été soutenus par l’association France Alzheimer, la Fondation
de France, la Fondation pour la recherche médicale, la Fondation Alzheimer et
l’Infrastructure nationale de biologie-Santé NeurATRIS.