Des bactéries de sol préservées de la toxicité d'ions d'uranium grâce à une protéine fixant non seulement l'uranium mais aussi le fer.
Une collaboration impliquant le CEA-Biam et le CEA-Joliot dévoile un mécanisme qui permettrait à des bactéries de sol de se protéger des effets de l'uranium présent dans l'environnement. L'accès du radionucléide à la cellule serait en effet bloqué par une protéine capable de fixer non seulement l'uranium mais aussi le fer.
Des chercheurs du Biam explorent les mécanismes d'adaptation des bactéries à la présence d'éléments radioactifs, et en particulier la réponse cellulaire induite par l'ion uranyle (UO22+), la forme soluble de l'uranium. Depuis plusieurs années, ils étudient quatre souches de Microbacterium, issues de sols riches en métaux et radionucléides, prélevés sur des sols naturellement uranifères du Limousin et d'autres sites (Tchernobyl notamment).
En inventoriant l'ensemble des protéines des bactéries dans des conditions particulières, selon une approche protéogénomique, ils montrent qu'une exposition à l'uranyle affecte fortement le métabolisme cellulaire des bactéries, impactant plus particulièrement celui du phosphate et du fer.
Après 24 heures d'exposition à l'uranyle, ils constatent qu'une protéine – baptisée UipA pour Uranium induced protein A – est produite en excès. Sa fonction est inconnue mais sa présence est associée à des souches bactériennes tolérantes à l'uranium.
Grâce à une combinaison de techniques de biochimie, spectroscopie et cristallographie, les biologistes découvrent que cette protéine est exposée à la surface de la cellule et qu'elle contient un domaine (PepSY) qui a une très forte affinité, non seulement pour l'uranyle, mais aussi pour le cation de fer Fe3+. Autrement dit, un site spécifique de la protéine UipA, exposé vers l'extérieur, permet de capturer les ions UO22+, empêchant l'entrée de cet ion dans la cellule.
« Une fonction jusque-là inconnue des domaines PepSY vient donc d'être révélée, ce qui nous permet d'orienter à présent nos recherches sur l'importance des protéines possédant ce domaine dans les mécanismes de capture et de transport du fer, projette Virginie Chapon, chercheuse au Biam. Le fer joue un rôle essentiel dans le vivant. Mieux comprendre le rôle des protéines comportant le domaine PepSY dans les mécanismes de son absorption pourrait avoir un impact dans différents domaines de la biologie, en particulier chez les bactéries pathogènes ».