Vulnérabilité des neurones
Le caractère « régional » de la dégénérescence dans les maladies neurodégénératives comme la maladie de
Huntington (striatum et cortex cérébral) ou la maladie de Parkinson (Substance noire) reste inexpliqué. Notre hypothèse de travail suggère que la vulnérabilité des neurones les plus affectés dans les maladies neurodégénératives résulterait de mécanismes complexes, impliquant à la fois le « contexte » dans lequel les neurones fonctionnent et les caractéristiques « intrinsèques » de ces cellules, qu'on pourrait appeler « phénotype ».
Nous avons étudié cette hypothèse de travail au travers de nombreuses études depuis quelques années. Notre objectif est de découvrir de
nouveaux acteurs moléculaires impliqués dans la dysfonction des neurones et
in fine leur mort, souvent localisée à une région cérébrale dans les maladies neurodégénératives. Notre recherche pourrait aider à identifier de
nouvelles cibles thérapeutiques.
En parallèle, nous contribuons à développer de nouveaux modèles génétiques et à évaluer l'intérêt de méthodes d'imagerie cérébrale de pointe (MRI, NMR spectroscopy, PET) qui pourrait avoir un intérêt pour caractériser les modèles et in fine être transférer à des études cliniques.
Maladie de Huntington
Nos découvertes appuient l'hypothèse que des atteintes du système de production de l'énergie cellulaire (mitochondries, glycolyse, cycle de Krebs) serait responsable en partie de la vulnérabilité du striatum dans la maladie de Huntington (MH) (Brouillet et al., 1995; Benchoua et al, 2006&2008, Damiano
et al., 2013). Nous avons montré que la dopamine, dont les concentrations sont très importantes dans le striatum, représente un élément clé du « contexte » rendant les neurones striataux très sensible à la toxicité de la
huntingtine mutée. Ce phénomène implique les récepteurs membranaires à la dopamine (D2R), qui sont des marqueurs moléculaires essentiels de certains neurones striataux.
Ces résultats nous ont conduit à étudier plus avant de nouveaux marqueurs moléculaire du striatum dans la MH (pour revue: Francelle et al., 2014) : nous avons étudier en quelle mesure les niveaux d'expression de marqueurs striataux identifiés par analyse génétique à grande échelle (SAGE) en 2008, et dont les fonctions neurobiologiques étaient totalement inconnues pouvaient influencer la vulnérabilité des neurones striataux vis-à-vis de la toxicité de la huntingine mutée. Dans ce but, grâce à différentes approches (vecteurs viraux, transgénèse), nous avons pu étudier les effets d'une invalidation ou d'une surexpression de ces marqueurs
(Gpr88, µ-crystallin, Capucin, DCLK3, and the long non-coding RNA ABHD11-AS) dans des modèles de la MH (Galvan et al, 2012, Francelle et al., 2014 & 2015).
Notre travail se focalise actuellement sur une kinase appelée
DCLK3 (double cortin like kinase 3) dont l'expression est réduite très précocement chez les patients et dans les modèles de la MH. Nous avons commencé à déchiffrer son rôle potentiel dans le cerveau. En particulier nous essayons de comprendre comment la perte de DCLK3 fragilise les neurons et comment sa surexpression peut sauver les neurones du striatum dans les modèles de la MH. Nos résultats en cours suggèrent que DCLK3 a une action au niveau nucléaire, et qu'elle peut modifier la transcription dans les neurones. Pour ce projet, la FRM a octroyé un fond de soutien pour le doctorat de
Lucie de Longprez en 2015. Nous avons obtenu un financement ANR en 2017 comme partenaire (EpIHD, coordonné par Karine Merienne, Univ. Strasbourg) pour s'intéresser aux dérégulations épigénétiques dans la MH et aux mécanismes cellulaires qui permettraient à DCLK3 d'agir au niveau de la chromatine.
De plus, nous continuons à explorer comme les modifications structurales et métaboliques peuvent être détectées précisément dans la MH en collaboration avec les chercheurs de la plateforme d'IRM de MIRCen. Dans ce but, des modèles (i.e. KI140CAG, BACHD) sont étudiés par IRM et spectroscopie RMN à haut champ magnétique (11.7T). Ce projet est porté par une ANR-PRTS dont l'acronyme est
"HDeNERGY" (coordinateur E. Brouillet) ainsi que par un financement récent d'un consortium européen (ERA-net eRARE,
TreatPolyQ; coordinateur Pr H. P. Nguyen, Tuebingen). L'objectif de notre projet est de développer des méthodes RMN dans nos modèles pour les porter vers la clinique, en particulier via notre collaboration avec l'Institut du Cerveau de la Moelle /Département de Génétique (Dr Fanny Mochel, Hôpital Salpêtrière, Paris).
Maladie de Parkinson
Nous développons de nouveaux modèles de la Maladie de Parkinson en utilisant des approches de vectorisation virale (lentivirus, adeno-associated virus). Nous sommes en particulier intéressés par deux protéines qui jouent un rôle central dans la maladie , la protéine LRRK2 et l'a-synucléine. Des mutations dans le gène LRRK2 (dont la substitution G2019S) correspondent aux formes génétiques de la maladie les plus fréquentes. Nous abordons deux questions cruciales concernant LRRK2: 1) quel est le rôle exact du domaine kinase de LRRK2 ? En effet, l'activité de la kinase serait augmentée dans les formes pathologiques mais cette question reste très controversée. 2) existe-t-il une synergie entre la présence de LRRK2 et l'a-synucleine ? et quels seraient les mécanismes sou-jacents de cette synergie ?
Nos résultats en cours de publication montrent que lorsque les constructions C-ter-LRRK2 portant la mutation G2019S sont exprimées fortement dans les neurones de la substance noire pars compacta (SNpc), cela produit une dégénérescence significative. Par contre, les formes sauvages et la forme « double-mutante » dont l'activité enzymatique kinase est inactivée ne produisent pas de perte cellulaire. Une toxicité « intra-neuronale » et « dépendante de la kinase » peut donc être déclenchée, indépendamment de la partie N-terminal de LRRK2-G2019S.
Nous avons aussi montré que la toxicité de l'a-syn est augmentée par la présence de la partie C-ter de LRRK2-G2019S (à des temps précoces où C-ter-LRRK2-G2019S seul n'est pas toxique). Par contre la forme inactive de LRRK2-G2019S ne change pas la toxicité de l'a-syn.
Ces résultats montrent que l'augmentation de l'activité kinase de la forme LRRK2-G2019S est un mécanisme clé pour moduler la toxicité de l'a-synucleine ce qui n'avait jamais été démontré dans les neurones de la SNpc in vivo. Ces recherches ont principalement été menées pendant la thèse de Noémie Cresto qui a obtenu un financement de « France Parkinson » pour finaliser sa thèse. Le programme de recherche pour développer les modèles lentiviraux et AAV a été financé par la "Fondation de France" (2011-2016).
Nous poursuivons actuellement le projet suivant deux axes :
- Un axe vise à déterminer les mécanismes cellulaires qui sous-tendraient la synergie entre LRRK2 et l'a-synuclein.Le Dr Géraldine Liot, Maitre de Conférence à Paris-Saclay, est en charge de ce nouveau projet.
- Nous poursuivons aussi le développement de modèle de la maladie de Parkinson à l'aide d'AAVs exprimant différentes formes d'a-syn et de LRRK2 dans le contexte d'un projet Européen, (ITN Marie S. Curie; Coordinator Abhay Pandit, Gallway, Ireland) appelé "BrainMatTrain". Ce projet vise à tester la possibilité d'utiliser des nouveaux hydrogels libérant chroniquement des molécules d'intérêt thérapeutique pour la maladie de Parkinson. Francesco Gubinelli travaille sur ce projet international depuis Décembre 2016.
Membres du laboratoire associés aux projets
- Noemie Cresto (PhD; CEA and Association France Parkinson): Defended her PhD in July 2017;
- Lucie de Longprez (PhD student; CEA and FRM): "DCLK3, a new striatal marker conferring neuroprotection in the context of Huntington's disease";
- Francesco Gubinelli (PhD student; ITN Marie S. Curie) : "Long-term functional neuronal repair by multi-modal biomaterial system
in vivo models of PD";
- Maria-Angeles Carillo de Sauvage:
maria.carrillo@cea.fr
- Marie-Claude Gaillard (CEA Engineer):
marie-claude.gaillard@cea.fr
- Caroline Jan (CNRS Engineer):
caroline.jan@cea.fr
- Martine Guillermier (CNRS CNRS Engineer):
martine.guillermier@cea.fr
- Julien Flament (INSERM Ingeneer, US27):
Julien.flament@cea.fr
Collaborations
- Pr M. Flint Beal, Department of Neurology and Neuroscience, Weill Cornell Med College, Cornell University, NY, USA.
- Prof. Dr. Tiago Fleming Outeiro, Department of NeuroDegeneration and Restorative Research
- Center of Molecular Physiology of the Brain, University Medizin Goettingen, Germany.
- Pr Nicole Déglon, Laboratoire des neurothérapies cellulaires et moléculaires, CHUV, Lausanne, Suisse.
Revues récentes
Imaging and spectroscopic approaches to probe brain energy metabolism dysregulation in neurodegenerative diseases
Bonvento G, Valette J, Flament J, Mochel F, Brouillet E.
J Cereb Blood Flow Metab. 2017, 37(6):1927-1943. 2017 Mar 9. Review.
Contribution of Neuroepigenetics to Huntington's Disease
Francelle L, Lotz C, Outeiro T, Brouillet E, Merienne K.
Front Hum Neurosci. 2017, 11:17. Review.
Energy defects in Huntington's disease: Why "in vivo" evidence matters
Liot G, Valette J, Pépin J, Flament J, Brouillet E.
Biochem Biophys Res Commun. 2016 Sep 14. Review.
Possible involvement of self-defense mechanisms in the preferential vulnerability of the striatum in Huntington's disease
Francelle L., Galvan L., Brouillet E.
Frontiers in Cellular Neurosciences, 2014, 8:295.
Publications récentes
The Self-Inactivating KamiCas9 System for the Editing of CNS Disease Genes
Merienne N, Vachey G, de Longprez L, Meunier C, Zimmer V, Perriard G, Canales M, Mathias A, Herrgott L, Beltraminelli T, Maulet A, Dequesne T, Pythoud C, Rey M, Pellerin L, Brouillet E, Perrier AL, du Pasquier R, Déglon N.
Cell Rep. 2017, 20(12):2980-2991.
Altered enhancer transcription underlies Huntington's disease striatal transcriptional signature
Le Gras S, Keime C, Anthony A, Lotz C, De Longprez L, Brouillet E, Cassel JC, Boutillier AL, Merienne K.
Sci Rep. 2017, 7:42875.
In vivo imaging of brain glutamate defects in a knock-in mouse model of Huntington's disease
Pépin J, Francelle L, Carrillo-de Sauvage MA, de Longprez L, Gipchtein P, Cambon K, Valette J, Brouillet E, Flament J.
(2016)
Neuroimage. 2016 Jun 16;139:53-64.
New paradigm to assess brain cell morphology by diffusion-weighted MR spectroscopy in vivo
Palombo M, Ligneul C, Najac C, Le Douce J, Flament J, Escartin C, Hantraye P, Brouillet E, Bonvento G, Valette J.
(2016)
Proc Natl Acad Sci USA. 2016, 113(24)
Synaptic scaling up in medium spiny neurons of aged BACHD mice: A slow-progression model of Huntington's disease
Rocher AB, Gubellini P, Merienne N, Boussicault L, Petit F, Gipchtein P, Jan C, Hantraye P, Brouillet E, Bonvento G.
(2016)
Neurobiol Dis. 2016, 86:131-9.
The striatal long non-coding RNA Abhd11os is neuroprotective against an N-terminal Fragment of Mutant Huntingtin in vivo
Francelle L*, Galvan L *, Gaillard MC, Petit F, Bernay B, Guillermier M, Bonvento G, Dufour N, Elalouf JM, Hantraye P, Déglon N, de Chaldée M, and Brouillet E. (2015)
Neurobiol Aging, 2015, 36(3) (*, co-first authors)
Loss of the thyroid hormone binding protein Crym renders striatal neurons more vulnerable to mutant huntingtin in Huntington's disease
Francelle L*, Galvan L*, Gaillard MC, Guillermier M, Houitte D, Bonvento G, Petit F, Jan C, Dufour N, Hantraye P, Elalouf JM, de Chaldée M, Déglon N, Brouillet E. (2014)
Hum Mol Genet. 2015, 2015 24(6) (*, co-first authors)
Impaired brain energy metabolism in the BACHD mouse model of Huntington's disease: critical role of astrocyte-neuron interactions
Boussicault L, Hérard AS, Calingasan N, Petit F, Malgorn C, Merienne N, Jan C, Gaillard MC, Lerchundi R, Barros LF, Escartin C, Delzescaux T, Mariani J, Hantraye P, Flint Beal M, Brouillet E, Véga C, Bonvento G..
J Cereb Blood Flow Metab. 2014 Jun 18
A role of mitochondrial complex II defects in genetic models of Huntington's disease expressing N-terminal fragments of mutant huntingtin
Damiano M, Diguet E, Malgorn C, D'Aurelio M, Galvan L, Petit F, Benhaim L, Guillermier M, Houitte D, Dufour N, Hantraye P, Canals JM, Alberch J, Delzescaux T, Déglon N, Beal MF, Brouillet E (2013)
Hum Mol Genet. 22:3869-82.
IRC-082451, a NovelMultitargeting Molecule, Reduces L-DOPA-Induced Dyskinesias in MPTP Parkinsonian Primates
Aron Badin R, Spinnewyn B, Gaillard MC, Jan C, Malgorn C, Van Camp N, Dollé F, Guillermier M, Boulet S, Bertrand A, Savasta M, Auguet M, Brouillet E, Chabrier PE, Hantraye P. (2013)
PLoS One. 8:e52680.
Anomalous diffusion of brain metabolites evidenced by diffusion-weighted magnetic resonance spectroscopy in vivo
Marchadour C, Brouillet E, Hantraye P, Lebon V, Valette J. (2012)
J Cereb Blood Flow Metab. 2012.119.
Capucin does not modify the toxicity of a mutant Huntingtin fragment in vivo
Galvan L, Lepejová N, Gaillard MC, Malgorn C, Guillermier M, Houitte D, Bonvento G, Petit F, Dufour N, Héry P, Gérard M, Elalouf JM, Déglon N, Brouillet E, de Chaldée M. (2012)
Neurobiol Aging. 2012 - 1845.e5-6.
Mitochondria in Huntington's Disease
Damiano, M., Galvan, L., Déglon, N., and Brouillet, E. (2010)
Biochimica et Biophysica Acta – Molecular Basis of Disease
Chronic systemic treatment with a high-dose proteasome inhibitor in mice produces akinesia unrelated to nigrostriatal degeneration
Shin M, Jan C, Jacquard C, Jarraya B, Callebert J, Launay JM, Hantraye P, Remy P, Palfi S, Brouillet E. (2011)
Neurobiol Aging. 32(11)