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GRAND ANGLE
CEAbio
- n° 04 - mars 2015
ou réémergentes. Un engagement tant pour la
défense, dans le cadre du programme NRBC-E,
que pour la santé publique.
Lutter contre ces affections, c’est d’abord
bien les diagnostiquer. «
Dans ce domaine,
nous sommes confrontés à différents niveaux de
complexité
», observe Christophe Bossuet, chef
de projet du programme interministériel de
recherche contre les menaces NRBC-E au CEA.
Des tests rapides
Sur le terrain, les tests doivent être rapides
et faciles à utiliser. Premiers diagnostics au
plus près des populations touchées, ils faci-
litent la chaîne logistique et décisionnelle pour
orienter les personnes et permettent de réduire
le nombre d’examens à réaliser en laboratoire.
Ces examens, nécessaires pour confirmer cer-
tains résultats, sont longs àmettre enœuvre: les
prélèvements doivent être acheminés jusque
dans un laboratoire doté d’équipements spé-
ciaux pour ce type d’analyses, qui elles-mêmes
prennent quelques heures. «
Classiquement,
les tests de diagnostic sont de deux ordres :
immunologiques ou génétiques
», précise alors
Christophe Bossuet. Les tests immunologiques
se basent sur des anticorps, des protéines com-
plexes, produites par le système immunitaire
et capables de se fixer sur un site précis d’un
agent pathogène. Ce sont de tels anticorps,
très spécifiques et appelés monoclonaux que
l’équipe du LICB a utilisés pour élaborer le
test de détection rapide du virus Ebola. «
Ces
anticorps sont fabriqués par des lignées de
lym-
phocytes
*
que nous avons
immortalisées
*
,
décrit Laurent Bellanger.
Elles proviennent de
souris auxquelles nous avons injecté un pseudo-
virus recombinant qui imite le virus Ebola
.» À la
manière d’un vaccin, le pseudovirus a induit
la production d’anticorps par les cellules du
système immunitaire des rongeurs.
La peste revient
Les chercheurs du Laboratoire d’études et
de recherches en immuno-analyse (LERI) du
CEA-IBITECS, à Saclay, emploient également
cette technique de production d’anticorps
par des cellules immortalisées. Ils ont mis au
point des tests de détection rapide de la peste
et d’autres infections bactériennes graves,
comme la morve ou la mélioïdose.
«
La peste n’est pas une maladie du passé
,
explique Stéphanie Simon, responsable du
laboratoire.
Elle sévit encore en Inde, en Chine,
au Brésil... Et sans que nous ne comprenions
vraiment pourquoi, elle réémerge dans certaines
parties du globe, comme en Algérie en 2003.
»
À la manière d’un test rapide de grossesse, la
bandelette mise au point au LERI, sur laquelle
sont fixés des anticorps monoclonaux dirigés
contre
Yersinia pestis
, affiche une ligne violette
si le bacille est présent dans le sang du patient.
«
En seulement une demi-heure, les primo-inter-
venants peuvent confirmer ou non une suspi-
cion de peste sans connaissances particulières
ni appareillage lourd
», estime la chercheuse.
Efficaces sur le terrain, les tests rapides
nécessitent quand même confirmation en
laboratoire. Là, des machines plus précises
prennent le relais. «
La technologie de référence
est la PCR
2
,
expliquent Fabienne Gas, du CEA-
IBITECS, et Valérie Tanchou, du CEA-IBEB, à
Marcoule
. Elle permet d’amplifier et de mesurer
la quantité d’ADN d’un agent pathogène dans
un échantillon.
» Pour cela, il faut élaborer
d’autres molécules de reconnaissance que les
anticorps : des sondes génétiques. «
L’idée est
de repérer des séquences génétiques qui sont
spécifiques à un pathogène,
indiquent les deux
chercheuses.
Ainsi nous pouvons modéliser des
sondes génétiques complémentaires qui vont
se fixer sur l’ADN cible et révéler sa présence
par fluorescence.
» Le travail est subtil : il faut
trouver des séquences d’ADN propres à chaque
agent, pour éviter que la sonde ne repère des
mirco-organismes génétiquement proches
mais non pathogènes. De plus, ces régions ne
doivent pas être trop prédisposées aux muta-
tions, ce qui rendraient le test inopérant. Les
1
Société spécialisée dans la fabrication de diagnostics
rapides, basée à Alençon (Orne),
www.vedalab.com2
Polymerase Chain Reaction ou réaction
de polymérisation en chaîne.
Lymphocytes
Cellules du système immunitaires, appelées
également globules blancs, producteurs d’anticorps.
Immortalisées
Une cellule est dite immortalisée lorsqu’elle a acquis,
sous l’effet d’un traitement adapté, la capacité à
se diviser de façon illimitée.
Le banc de spectrométrie de
masse (IBITECS) permet de
détecter des doses infimes
d’agent biologique.
© L. Godart/CEA
Dans le spectromètre, les échantillons
sont ionisés pour être analysés.
© L. Godart/CEA