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GRAND ANGLE
CEAbio
- n° 04 - mars 2015
loin d’être concluants. «
À ce jour, les essais cli-
niques sur l’Homme se sont tous soldés par des
échecs,
regrette Roger Le Grand.
L’organisme
ne sait pas se défendre contre ce virus et nous
ne savons pas l’éradiquer. Les stratégies qui
ont fonctionné contre la grippe saisonnière, la
rougeole, la variole sont inopérantes.
»
Contenir le virus
En attendant, les traitements se révèlent de
plus en plus efficaces. Pris moins souvent, avec
moins d’effets secondaires, ils permettent de
contenir le virus, à défaut de l’éliminer totale-
ment. Ils peuvent même être utilisés en prophy-
laxie (mais le préservatif reste à ce jour le seul
moyen de protection réel contre le VIH). «
Les
traitements post-exposition peuvent empêcher
certaines contaminations et les crèmes micro-
bicides, vaginales ou rectales, présentent un
taux d’efficacité de 50%,
décrit Roger Le Grand.
Ce n’est pas la panacée, mais c’est déjà une
première barrière.
»
Des traitements contre d’autres maladies
émergentes pourraient aussi voir le jour
grâce aux recherches sur le bioterrorisme.
Les équipes du CEA-IBITECS ont récemment
identifié des molécules, dont l’une appelée
Retro-2, protégeant des rongeurs contre des
doses mortelles de ricine. «
Une vingtaine de
milligrammes de cette toxine végétale constitue
une dose mortelle pour l’Homme
», explique
Daniel Gillet, responsable de l’équipe Interac-
tions toxines membranes du Laboratoire de
toxinologie moléculaire et biotechnologies
(LTMB) du CEA-IBITECS. Retro-2 combat la
ricine en bloquant son transport à l’intérieur
de la cellule (transport dit « rétrograde », de la
surface de la cellule vers le réticulum endoplas-
mique). Or, cette molécule a aussi montré son
efficacité contre la toxine de Shiga, produite
par certaines souches de la bactérie
Escheri-
chia coli
dont l’une a provoqué une épidémie
sans précédent en 2011 en Allemagne
2
. «
De
nombreux autres micro-organismes empruntent
aussi cette voie rétrograde
», note Daniel Gil-
let. De là à envisager un traitement « à large
spectre», il n’y a qu’un pas que les scientifiques
n’ont pas hésité à franchir : les tests ont com-
mencé sur Ebola et les résultats sur le parasite
Leishmania
sont d’ores et déjà concluants.
Pour conduire leurs recherches
sur les maladies émergentes,
les scientifiques du CEA
disposent de technologies
innovantes. Ainsi le CEA-IMETI
accueille-t-il la plateforme de
cytométrie en flux FlowCyTech.
«
Couplé à un spectromètre de
masse, le cytomètre en flux de
type CyTof peut déterminer
une quarantaine de paramètres
cellulaires contre seulement une
vingtaine dans les machines
standards
», explique Antonio
Cosma, son responsable. En
analysant les cellules une à une,
le CyTof permet par exemple de
détecter les antigènes en surface
ou de comparer l’action de
candidats-vaccins. Cette action
peut également être évaluée
par imagerie optique. Catherine
Chapon, du SIV, analyse
les mécanismes immunologiques
déclenchés par la vaccination, en
marquant à l’aide de fluorophores
des antigènes et des cellules
immunitaires. «
Nous évaluons
ainsi le comportement des cellules
face au vaccin, contre le VIH
notamment
. »
Les technologies
au service de
la santé
La chimiothèque de l’IBITECS renferme
les molécules chimiques à tester.
© L. Godart/CEA
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Integrated Chikungunya RESearch,
www.icres.eu2
Des graines germées de fenugrec contaminées
par une souche d’E. coli ont provoqué des
intoxications alimentaires, entrainant des diarrhées
hémorragiques, des syndromes hémolytiques
et urémiques, et près de 50 décès.
Graines de ricine.
© L. Godart/CEA
Ce cytomètre en flux permet de
réaliser des analyses cellulaires
multiparamétriques.
© P. Stroppa/CEA