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GRAND ANGLE
n° 04 - mars 2015 -
CEAbio
Des stratégies
contre les virus
rebelles
VACCINS ET TRAITEMENTS
our se prémunir contre les agents
pathogènes responsables de mala-
dies émergentes ou réémergentes,
deux solutions: le vaccin ou le trai-
tement médicamenteux. Dans ce domaine,
Ebola, chikungunya, VIH, H5N1 ou encore
Mycobacterium tuberculosis
ne sont pas logés
à la même enseigne : certains se laissent faci-
lement apprivoiser, d’autres résistent encore
et toujours aux biologistes. «
Chaque micro-or-
ganisme a ses spécificités qui vont influencer la
stratégie vaccinale
», observe Roger Le Grand,
directeur du Service d’immuno-virologie (SIV)
du CEA-IMETI.
Récemment, des rongeurs et des primates
modèles ont pu être protégés contre le chikun-
gunya à l’aide de vaccins développés dans le
cadre du projet européen ICRES
1
dont le SIV
est partenaire (deux vaccins à base de virus
atténué et génétiquement modifié, et un à
base d’ADN synthétique). «
Le chikungunya,
identifié dans les années 1950 en Afrique de
l’Est, est transmis par les moustiques Aedes,
indique Pierre Roques, qui a participé à ces
recherches.
D’abord confiné à l’Afrique et à
l’Asie du Sud, il se répand maintenant sur tous
les continents et pose un vrai problème de santé
publique.
» On se souvient de l’épidémie de
chikungunya dans les îles de l’océan Indien,
notamment sur celle de la Réunion, en 2005,
qui avait affecté plusieurs centaines de mil-
liers de personnes et provoqué une grave crise
économique et sanitaire. Le virus a connu une
expansion rapide aux États-Unis en 2014 après
avoir atteint les Caraïbes pour la première fois
en novembre 2013 (
Voir CEAbio N°3, Une piste vaccinale contre le chikungunya , pages 9 à 11).
Contre Ebola aussi, les espoirs sont permis.
Plusieurs vaccins sont à l’essai un peu partout
dans le monde. «
Nous avons observé que cer-
tains patients pouvaient contrôler l’infection,
explique Roger Le Grand.
Cela veut dire que la
réponse immunitaire de leur organisme, notam-
ment la réponse par anticorps, est efficace. Il
doit donc être possible d’aider l’organisme avec
un vaccin.
»
Vers un super vaccin ?
Cependant, la partie n’est pas toujours défi-
nitivement gagnée avec un vaccin. Contre la
grippe saisonnière par exemple, le vaccin doit
être élaboré chaque année selon les souches
du virus qui ont circulé l’hiver précédent et
qui sont donc les plus susceptibles d’être
encore présentes. Et les nouvelles souches,
comme H5N1, posent de sérieux problèmes.
«
Parce qu’ils ont profondément muté, certains
virus grippaux sont susceptibles de provoquer
des pandémies contre lesquelles nous n’avons
aucun moyen de protection
», explique Roger
Le Grand. D’où les recherches menées au CEA
pour mettre au point un vaccin universel contre
la grippe. Les biologistes essaient d’identifier
des parties communes à tous les virus.
Une autre pandémie résiste encore aux
virologues : celle du VIH. Aujourd’hui, plus
de 35 millions de personnes vivent avec lui.
Jusqu’à présent, le sida a fait 39 millions de
victimes. Bien que la recherche d’un vaccin
ait débuté rapidement après l’identification du
virus dans les années 1980, les résultats sont
P
Cellule massivement
infectée par le VIH.
© Inserm/Roingeard, Philippe
La plateforme de chimie combinatoire de
l’IBITECS a permis la découverte de deux
antidotes de la ricine grâce à un crible biologique.
© L. Godart/CEA